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04/12/2011
Lulu
LOU REED & METALLICA
 
Lorsque des monstres sacrés collaborent sur un projet, créant par exemple un supergroupe, le résultat ne rencontre fréquemment qu’une indifférence polie. L’annonce de la sortie de Lulu, signé Lou REED & METALLICA, pouvait donc susciter de légitimes craintes, que n’apaisait pas nécessairement le grand enthousiasme affiché par les musiciens. Le chanteur du légendaire VELVET UNDERGROUND n’hésitait ainsi pas à clamer que cette improbable production constituait le meilleur album qu’il ait réalisé. Ses nouveaux camarades se montraient également conquis, Kirk HAMMETT confiant en novembre 2011 à Rolling Stone : « Avec Lou, nous sommes comme deux âmes sœurs. ».

Le rapprochement entre Lou REED et METALLICA s’amorce en 2009, lors d’un show au Madison Square Garden à l’occasion de l’anniversaire du Rock and Roll Hall of Fame, où le combo Thrash tant révéré constitue le backing band du chanteur. Conquis, celui-ci leur propose de réenregistrer certains de ses anciens titres. Lorsque les sessions débutent, au printemps dernier, le projet cède sa place à Lulu, adaptation par REED d’une œuvre de l’auteur expressionniste allemand Frank Wedekind. Les préventions des fans, notamment ceux de METALLICA, semblent confirmées par la critique, qui livre un verdict sans appel. Dans la presse Rock, le disque est présenté, sinon comme un échec, du moins comme un album controversé...

A l’écoute des deux premiers titres, les superbes Brandenburg Gate et The View, on croit cependant à un coup de maître. Le chant fréquemment parlé de Lou REED – une option qu’il avait déjà retenue sur New York, en 1989 - y est soutenu par des rythmiques à vous glacer l’échine. The View s’avère particulièrement abouti, grâce à ses riffs de guitare épurés et à son duo de chant réussi entre James HETFIELD et REED.

En dépit d’une justesse parfois approximative, la voix du New-Yorkais parvient régulièrement à émouvoir l’auditeur. Sur l’intimiste Cheat On Me, en transe, il répète inlassablement le vers « Why do I cheat on me », créant une sorte de mantra. Son interprétation se fait fréquemment accablée, à l’image du déchirant Little Dog. Les textes légitiment parfaitement ce style. Frustration propose par exemple une terrifiante vision de l’amour : « I want so much to hurt you/Marry me/I want you as my wife ».

Malheureusement, trop de morceaux s’égarent dans des ambiances expérimentales ou « bruitistes », familières au New-Yorkais, auteur du peu accessible – voire réputé inaudible - Metal Machine Music en 1975. La longueur des plages n’est pas toujours en cause. Ainsi Mistress Dread, loin de détenir le record en la matière malgré ses quelque sept minutes, ne peut en aucune manière reproduire l’alchimie qui caractérise le groupe sur The View : l’impitoyable section rythmique des Four Horsemen s’active en vain !

On ne peut pas nier que ces plages comportent des passages séduisants, notamment Pumping Blood et ses rythmes Thrash. Cependant, leur structure, qui s’éloigne du schéma classique couplet-refrain, peut dérouter les metalheads. A titre d’exemple, Frustration ne convainc que par intermittences, du fait de l’accompagnement bien trop discret du long monologue déclamé par Lou REED. Lulu ne se résume toutefois pas à ces titres étranges : on peut ainsi saluer Iced Honey, mélodique et doté d’une rythmique presque légère, pour METALLICA s’entend.

Malgré certaines limites, Lulu demeure un album intéressant. Sans qu’il puisse prétendre égaler Berlin (1973), chef d’œuvre de Lou REED en solo, les amateurs d’avant-garde Rock y trouveront leur compte. En revanche, les inconditionnels de METALLICA devront l’acheter en connaissance de cause. Aucun des deux artistes ne doit cependant avoir honte du résultat. D’ailleurs, à ce stade de leurs carrières, que leur reste-t-il à prouver ?
Chouman
Date de publication : dimanche 4 décembre 2011