Ce 'návrat krále' est une perle...
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Il y parfois des groupes que l’on aimerait voir disparaître tant leur discographie, parfois longue comme un tuyau d’arrosage de 25 mètres, est aussi ennuyeuse et sans intérêt qu’un discours politique à l’Assemblée Nationale. Et pourtant, ils s’accrochent à leur business comme un varan sur sa proie. C’est le cas, entre autres, de MANOWAR et de THOR. Mais, il y a aussi des formations, depuis longtemps séparées, ayant pourtant enregistré de très beaux, même si peu nombreux, albums, que l’on souhaiterait voir revenir d’entre les morts pour continuer à nous offrir des offrandes musicales de qualité. REVOLUTION RENAISSANCE, par exemple. Néanmoins, un autre combo que l’on croyait définitivement éteint vient de ressusciter en grande pompe grâce à une plaisante 5ème galette, j’ai nommé KREYSON.
Je ne vais pas me la rejouer Stéphane Bern ou Patrick De Carolis et vous refaire l’historique entier du groupe tchécoslovaque. Cela serait assez rasoir et n’apporterait rien à cette chronique. Pourtant, il me faut revenir sur deux des plus belles pépites du heavy metal mélodique de ces 30 dernières années, à savoir Andel Na Úteku (Angel On The Run) et Krizáci (Crusaders) sortis respectivement en 1990 et 1992. En effet, ces deux rondelles ont permis à ce quintet, formé par le formidable vocaliste Ladislav KRIZEK, de devenir l’une des figures de proue du white metal est-européen des années 90 et d’inspirer de nombreuses autres formations plus récentes telles que SALAMANDRA ou SYMPHONITY. Ces deux opus sont également à la base du son de KREYSON et ont introduit un concept religieux encore bien rare dans le metal à cette époque, bien que STRYPER, NAZARETH ou JOURNEY l’avaient déjà bien rôdé depuis un bon bout de temps déjà. Mais, dans l’ancienne Tchécoslovaquie, personne n’avait encore osé s’y frotter, la religion n’ayant qu’une relative importance parmi les métalleux, qui donnaient la priorité à des sujets de société bien plus « graves », tels que la liberté d’expression bafouée par le régime en place ou les conflits armés à travers le monde. Bon, je reconnais que le sexe faisait aussi partie des sujets favoris des combos, VITACIT en tête…Mais, la religion était une véritable nouveauté. KREYSON n’a pas hésité une seule seconde à transmettre la parole ecclésiastique aux metalheads. Et pour cause, les bergers, menés par Ladislav KRIZEK, n’ont pas hésité à parsemer leurs textes de guitares acérées, distillant de puissantes mélodies et d’une section rythmique rapide et profonde. C’est ce qui fait tout le charme de ce groupe unique. Et tout ça nous a manqué à leur séparation en 1995, après un album en demie-teinte intitulé Zákon Džungle (‘La Loi De La Jungle’).
Mais, rassurez-vous, mes enfants, Jésus…euh, KREYSON, pardon, après de timides réapparitions sur les festivals à partir de 2007, tel un Lazare survitaminé, vient de ressurgir de l’au-delà avec un nouvel opus salvateur, le très bon Návrat Krále (nom sûrement emprunté à l’œuvre de Tolkkien, puisqu’en français cela peut se traduire par ‘Le Retour Du Roi’), contenant des titres percutants, parfaites liaisons entre le passé et le présent, grâce à un son résolument moderne. Le groupe regarde désormais vers l’avenir. Toutefois, engouffrons l’hostie dans nos gosiers béants et buvons le sang du Christ réanimé et rentrons dans le vif du sujet, si vous le voulez bien.
Outre l’introduction et l’épilogue symphoniques, l’album démarre vraiment très fort avec l’une des plus belles et grandiloquentes compositions du groupe, la sublime Archándel Michael. Déployant ses ailes pour nous en mettre plein la vue, ce titre lourd et direct nous amène au Paradis grâce à un refrain teinté d’un brin de mysticisme et à ses paroles célestes narrées par la voix profonde doublée de celle haut perchée de Ladislav KRIZEK (« Archándel Michael / Moc Pánu, posÍlá do Pekel / Archándel Michael / Nebeským vojskem, Lucifer svázanej », littéralement « L’Archange Michaël / Envoie beaucoup de Maîtres en Enfer / L’Archange Michaël / Lucifer, par l’armée céleste, fait prisonnier »). Il prend, d’ailleurs, toute la vedette, laissant les autres morceaux dans son ombre, sans, toutefois, les faire disparaître complètement de la lumière ou les rendre inintéressants, loin de là. Dans les faits, Návrat Krále est un album assez varié, oscillant entre chansons rapides ou plus calmes, voire assez heavy, ce qui lui permet d’être très équilibré. Stoupáš, par exemple, est un titre très en vogue, grâce à sa double facette lourde sur les couplets, atmosphérique sur les refrains. Mais, les meilleures compos sont celles qui permettent au groupe de se défouler, c'est-à-dire les morceaux rapides ou plus rock, comme My Jo, A Vy ?, Kde Se Touláš ?, Otevri Oci et Tvá Zár. Bien entendu, KREYSON ne serait pas KREYSON sans les éternelles ballades, que le quintet affectionne tant, mais qui n’apportent pas grand-chose au répertoire du groupe. Je vous invite, donc, à faire l’impasse sur Ztrácim et Dávej, Dej, qui sont les gros points faibles de ce récent nouvel opus des tchèques. Côté paroles, celles-ci n’abordent pas toujours la religion, ce qui est appréciable, mais n’omettent pas de parler de spiritualité, même si celle-ci n’est distillée qu’à une dose infinitésimale, Dieu merci, même si je n’ai rien contre de tels sujets, bien au contraire, mais cela peut parfois tourner en une barbe-à-papa immonde pour Bisounours s’il est mal exprimé !
D’un point de vue technique, j’ai sursauté en entendant le son de Návrat Krále. Comme je l’ai écris plus haut, le son est plus moderne, plus clair aussi que sur les quatre précédentes réalisations de nos chers compères. Similaire à celui que l’on trouve sur les CDs des plus célèbres formations metal européennes. Le groupe s’est vraiment donné les moyens d’arriver à un résultat équivalent. Pour cela, il a fait appel aux services d’Andy LAROCQUE, producteur de renom et guitariste de KING DIAMOND, ayant déjà travaillé pour de très nombreux combos de la scène métallique, tels que, entre autres, EVERGREY, MORIFADE ou EINHERJER. Ladislav KŘÍŽEK, Radek KROC et leurs compagnons ont, sans doute, voulu nous prouver leur renaissance en enregistrant les 11 pistes de cette cinquième rondelle aux Sonic Train Studios à Varberg, petite ville de Suède. Le mix et le mastering ont également été effectués dans ces mêmes locaux. Et je suis sûre que vous allez écouter et réécouter maintes fois ce Návrat Krále, rien que pour vous délecter de sa production puissante. Quel régal, en effet ! Le cover artwork et le design de la pochette ont, quant à eux, été réalisés par l’artiste dessinateur et graphiste britannique Mark WILKINSON, dont vous avez déjà dû apprécier le talent sur les visuels des groupes IRON MAIDEN (Live At Donington, les singles The Wicker Man et Out Of The Silent Planet), JUDAS PRIEST (Ram It Down, Painkiller, Jugulator, Nostradamus), MARILLION (Misplaced Childhood, Script For A Jester’s Tear, The Thieving Magpie, etc) ou FISH (Vigil In A Wilderness Of Mirrors, Suits, 13th Star, etc) et d’autres formations ou vocalistes.
Du coup, KREYSON, en ayant mis les petits plats dans les grands en ce millésime 2013, a voulu frapper un grand coup et montrer au monde qu’il n’est définitivement pas en train d’agoniser, comme certaines mauvaises langues ont pu le prétendre il n’y a encore pas si longtemps, sûrement par jalousie ou, alors, par pure méchanceté. Avec cette équipe de professionnels, KREYSON a pu accoucher d’un très bon album qui lui ouvre de nouvelles perspectives vers une reconnaissance plus vaste qu’au niveau national. Peut-être la formation accèdera-t-elle au sommet grâce à un sixième et prochain album ? C’est tout le mal que je puisse lui souhaiter, car avec une aussi belle, mais trop réduite, discographie, il serait dommage qu’elle reste dans l’anonymat, dépassée de 38 longueurs par d’autres combos moins talentueux. KREYSON mérite d’arriver jusqu’à vos oreilles attentives et mélomanes et aussi d’être distribué par tous les bons disquaires partout sur notre vieux continent. Ce Návrat Krále est une perle que vous vous devez de posséder sans quoi l’Archange Michaël viendra vous rendre une petite visite qui ne sera peut-être pas de courtoisie…
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