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07/06/2014
La pèira negra
STILLE VOLK
 
Oyez oyez, brave gens ! Les troubadours du « peuple silencieux » sont de retour parmi nous après un précédent opus, le très festif Nueit De Sabbat, suivi de cinq longues années d’absence discographique mais non scénique, les quatre ayant tourné souvent. En ce mois de mai dernier de l’année de grâce 2014, le quatuor vient de nous présenter sa nouvelle réalisation, La Pèira Negra, une galette plus sombre que celle d’avant. Evoluant toujours dans un folk médiéval acoustique de toute beauté, les français nous ont créé encore une fois un disque très prenant, autant musicalement que textuellement, amenant l’auditeur dans une odyssée mystique païenne au travers d’un concept assez original, c'est-à-dire l’histoire d’une pierre noire (d’où le titre éponyme La Pèira Negra) qui décide un jour de transcender son essence minérale inerte pour se transformer en un être vivant perdu dans un « océan » de mousse, de roches et d’humus. Cette épopée fait aussi intervenir des créatures diverses qui existent à un niveau infinitésimal dans la Nature.

C’est ainsi que ce concept s’étire sur une huitaine de titres plus ténébreux qu’à l’accoutumée chez STILLE VOLK. L’ambiance qui s’en dégage est assez chaotique, mais toute transfiguration l’est en général. Ici, les pyrénéens ont exprimé ce déchaînement des éléments primaires par l’utilisation de paroles un tantinet morbides et l’introduction d’instruments plus modernes comme la trompette (L’Eveil Du Spectre) ou une structure contemporaine dans ses chansons (Heaume de Lichen). Personnellement, étant fan du groupe depuis ses débuts, je trouve cette minime évolution intéressante. Cela prouve que le quartet du sud de la France sait se renouveler et s’est décidé à proposer à ses supporters une musique plus grandiose et consistante. Il n’y a jamais aucun relâchement préjudiciable à l’ensemble de l’album, donc aucune mauvaise surprise, ce qui est malheureusement le cas de bons nombres de formations du même genre, tels qu’IN TABERNA ou OMNIA, par exemple. Chaque compo est bien rythmée et possède sa propre atmosphère lunaire. Toutefois, Sous L’œil De La Lune et La Forêt Gorgone, plus légers, apportent un brin de gaieté, même si cela n’est que pour une courte durée. Cependant, cette alternance de morceaux solaires et obscurs se laisse savourer avec une étonnante aisance et nous entraîne dans ce fabuleux conte païen et assurément écologiste, étant donné la teneur des textes, où chaque composante de notre Terre Mère a un rôle bien précis pour mettre au jour le caractère vivant de notre petite pierre.

Ce 6ème disque représente certainement une nouvelle étape dans la carrière de Patrick LAFFORGUE, Patrice ROQUES, Florant MERCADIER et Yan AREXIS, dont le retour de ce dernier au sein du groupe a permis à STILLE VOLK d’allier à merveille puissance, grandiloquence et noirceur, sans compter la participation d’un invité, Didier BIGNALET, pour l’enregistrement des lignes de basse. Il ne faut pas oublier que les quatre ménestrels cités ci-dessus sont fans de metal et ont joué dans des combos dans les années 80 et 90. Cette expérience se ressent dans la musique de STILLE VOLK qui, pour l’occasion, a un côté un peu plus rock’n’roll (même si Ex-Uvies était déjà dans cette optique via les synthétiseurs et les guitares électriques, ainsi que le projet folk metal de Patrick et Patrice, nommé HANTAOMA). Chose qui est confirmée par la reprise de Come To The Sabbath des danois de MERCYFUL FATE, qui excellaient dans le heavy metal occulte grâce, entre autres, au guitariste Hank SHERMANN et au vocaliste complètement barré King DIAMOND. Cette excellente cover personnalisée démontre à elle seule l’étendue du talent des « sudistes » et leur passion « cachée » pour la musique du diable, comme dirait une certaine Christine qui voulait brûler les métalleux du Hellfest en place publique sur un bûcher...Ce Pèira Negra ne déçoit pas le moins du monde. Il succède royalement à Nueit De Sabbat, face auquel il n’a pas à rougir, bien au contraire. Le folk médiéval à la française a encore de très beaux jours devant lui visiblement. Vivement la prochaine rondelle ! Mais avant cela, STILLE VOLK va défendre ses nouvelles compositions sur scène un peu partout en France et, pour l’anecdote, vient de jouer ce samedi 31 mai aux Médiévales du Malzieu-Ville, une petite ville de Lozère, terre historique et millénaire la plus attachée à la culture occitane et pleine de mystère, qui aurait pu être le berceau de ce fabuleux récit de la pierre noire qui prend soudainement vie. A noter, tout de même, qu’un clip vidéo de La Forêt Gorgone a été mis en ligne par le quatuor sur Youtube et que la pochette est une création de Yan AREXIS. Par ailleurs, La Pèira Negra a été enregistré au studio Abellion par Patrick, mixé et masterisé par Fernando PEREIRA LOPES au studio Davout et produit par Holy Records. Outre Didier BIGNALET, l’album compte aussi comme guests l’artiste Gaë BOLG et le collectif italien BARBARIAN PIPE BAND.

Quand on voit un album de cette qualité sortir des crânes géniaux de LAFFORGUE et ROQUES, on a comme l’impression de se retrouver face à une terre fertile d’où sortent d’innombrables plantes, fleurs et insectes, destinés à enrichir l’humus des sous-bois. Et La Pèira Negra ressemble à cet environnement forestier fécond, les titres étant autant de miniatures arbustes qui deviendront de grands arbres solides au fil du temps. Et ce magnifique présent musical est le bienvenu quand les déceptions pleuvent régulièrement depuis quelques semaines. STILLE VOLK règne désormais en maître sur un vaste royaume de représentants sylvestres espiègles et joyeux qui s’entêtent à insuffler la vie aux citoyens immobiles de notre chère planète entre deux ripailles et trois aubades. Je ne peux que vous conseiller fortement de vous emparer légalement de ce disque qui, je l’espère, vous emportera dans un monde onirique plein de charme, loin du tumulte de la vie réelle. Un excellent moment de détente en perspective !
神の知恵
Date de publication : samedi 7 juin 2014