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27/02/2015
Will to power
Lord Volture
 
Emmanuel KANT disait que « la possession du pouvoir corrompt inévitablement la raison ». En effet, le pouvoir est un état de fait qui permet, en temps normal, à une personne spirituellement éveillée de se libérer de chaînes mentales, émotionnelles et humaines grâce à des clés présentes à sa portée de main, comme la volonté d’être son propre maître, le désir d’entrer en pleine conscience et celle que représente la connaissance. Pourtant, le pouvoir est à double tranchant, car bien qu’il puisse aussi transcender en positif l’existence d’un individu, il arrive très souvent, malheureusement, que les Hommes se laissent posséder par la sensation grisante d’avoir un ascendant sur la Vie de chaque créature humaine ou non humaine et agissent inévitablement contre l’essence même des valeurs pour lesquelles ils ont combattu, celle de la Liberté et du Respect des droits de tout un chacun en premier lieu. Le pouvoir est bien plus efficace que l’absinthe pour transformer un cœur pur en esprit ténébreux. C’est pour cela qu’il vaut mieux parfois rester humbles devant le pouvoir et ne pas se réjouir de ce cadeau empoisonné si on l’acquiert à mauvais escient, même de manière inconsciente. D’ailleurs, Millicent FENWICK, ancienne rédactrice de mode, diplomate et politicienne républicaine new-yorkaise, l’a rappelé si justement d’une certaine manière en affirmant que « les seules personnes qui devraient gouverner sont celles qui s’intéressent plus aux gens qu’au pouvoir. » Elle avait absolument raison, mais les nombreux exemples de despotisme ou de dictature maquillée par une pseudo-démocratie ne manquent pas dans l’Histoire de notre monde. Les rois, reines, empereurs, présidents, ministres et autres intrigants de tous bords politiques n’aspirent qu’à la gloire, la richesse personnelle, matérielle, ainsi qu’à la domination sur toute une population. Ces âmes corrompues ne sont pourtant que des colosses au pied d’argile. Du jour au lendemain elles peuvent choir et perdre leur autorité, se retrouver à la place des gens qu’elles ont piétiné et méprisé lorsqu’elles les toisaient de haut depuis leur trône éphémère. Heureusement, d’autres ont su éviter le piège exaltant du pouvoir et le transformer en énergie positive pour entreprendre des initiatives utiles et altruistes, comme GANDHI ou Aung San SUU KYI. Cette double facette du pouvoir est le thème choisi par les néerlandais de LORD VOLTURE sur leur nouvel opus pertinemment intitulé Will To Power.

L’adage dit « vouloir c’est pouvoir ». Celui ou celle qui veut vraiment quelque chose peut l’obtenir aisément uniquement quand elle le désire ardemment au plus profond de lui ou d’elle-même. Mais, cela ne doit pas aboutir à quelque chose de négatif, sinon l’action entreprise ne mènera à rien de concret. De même que « la volonté de puissance ». LORD VOLTURE utilise ce titre d’album en jouant sur ses multiples significations. Ce qui rend cette sortie très intéressante. Tout d’abord, le côté « panzer musical » ressort clairement. Le combo fait du heavy metal. Donc, la volonté de puissance n’est, premièrement, que celle de nous offrir une musique qui explose les tympans, même si le leader dans ce domaine reste exclusivement un quatuor américain que je ne nommerais pas pour ne pas lui faire de publicité inconvenante dans cette chronique. Deuxièmement, la formation souhaite montrer à travers des titres comme Badajoz (1812) ou Where The Enemy Sleep que les chefs des camps opposés s’affrontent souvent pour avoir le pas les uns sur les autres par des batailles, la plupart du temps, meurtrières en omettant que des vies sont en jeu. Ces « jeux » de pouvoir, au final extrêmement puérils, ne durent jamais bien longtemps pour ceux qui mènent la danse. Les retournements de situation sont légions. L’opprimant devenant alors l’opprimé et inversement. Vouloir régner est une chose. Conserver son pouvoir en l’utilisant judicieusement en est une autre. Enfin, LORD VOLTURE a aussi voulu dénoncer cette soif de souveraineté sur ses semblables en la décrivant comme une course effrénée et illimitée dans Will To Power, une recherche égocentrée sur un sentiment compulsif de supériorité narcissique (« Competitor Failure / My Equal Is None / Alone At The Top / No One Can Overcome My / Will To Power »).

Textuellement, cette rondelle est très étoffée en acceptations et historiquement éloquente, ce qui n’est pas le cas musicalement, le heavy du groupe étant largement plus épuré, voire même assez basique, allant droit à l’essentiel, comme ce style très prisé le nécessite. Le ton de Will To Power se veut guerrier et rythmé pour accompagner harmonieusement les paroles. Et c’est très bien comme cela. La section rythmique incarnée par Simon GEURTS (basse) et Frank WINTERMANS (batterie) est toujours aussi dynamique et n’a pas changée d’un iota sa façon de poser les fondations de la musique du groupe depuis Never Cry Wolf (2011). Tout comme les fabuleux échanges guitaristiques entre Leon HERMANS et Paul MARCELIS, un duo incisif qui sait comment faire frémir l’auditeur en quelques coups de médiator bien placés. David MARCELIS, le frère de Paul, ne s’en sort pas trop mal non plus, je dois avouer, surtout dans les notes les plus aigues, où il semble être vraiment à l’aise, même s’il ne passe pas son temps à voyager dans les hauteurs célestes à la manière d’un Andre MATOS ou de Joe, le vocaliste de EVIL INVADERS, un combo belge de heavy/speed metal à l’ancienne. Le quintet interprète superbement les morceaux qu’il a fait naître au gré d’un long processus d’écriture et de mise en forme de trois années, durant lesquelles quelques perles se sont frayé un chemin hors de l’esprit des compositeurs principaux. C’est ainsi que Where The Enemy Sleep, Taklamakan, l’éponyme Will To Power ou la lanterne rouge Line’em Up ! ont pu voir le jour pour confirmer une bonne fois pour toutes le talent de cette encore toute jeune formation et donner une bonne leçon de heavy metal aux sceptiques, qui jacassaient sur son éventuel avenir au sein de la communauté, sous forme d’une déflagration électrique monumentale qui met, sans métaphore inutile, sur le cul dès les premières notes. Même si Never Cry Wolf était un peu en deçà du premier opus, Beast Of Thunder, déjà un pur concentré d’énergie à l’époque.

Je ne vais, donc, pas y aller par quatre chemins : LORD VOLTURE est voué à devenir une référence contemporaine dans un proche futur pour tout metalhead qui se respecte. Ce Will To Power est un réel plaisir auditif et, même si cet album est dénué d’éléments qui auraient pu donner de la profondeur aux chansons et leur donner plus d’âme encore, ce qui est bien dommage, il pourra toutefois vous donner un bon coup de fouet grâce à sa fougue et sa luminosité en plus d’un savoureux café matinal. Cette troisième bombe musicale venue du pays de la tulipe est mille fois mieux qu’un réveille-matin qui vous balance quotidiennement les mêmes somnifères sur Nostalgie ou Chérie FM qui ne vous donnent aucunement l’envie de sortir de votre lit pour aller bosser, bien au contraire. Emerger des bras de Morphée en goûtant un mets tel que My Sworn Enemy vous donnera assurément la patate pour le restant de la journée. Si vous aimez le heavy moderne, les mélodies addictives, les envolées vocales et les textes qui ont un sens, vous ne pouvez décemment pas vous abstenir de vous procurer ce CD, d’autant plus qu’un invité de marque a titillé les cordes de sa Yamaha AES620 rien que pour vous, les ami.e.s, une personnalité qui a été membre d’une des plus influentes formations américaine des années 80 et 90, j’ai nommé Chris POLAND, ex-MEGADETH. C’est-y pas du guest, ça, peut-être ?! Pour sûr que si ! Et s’il a gratté le manche sur Will To Power, c’est que le disque vaut bien le détour, comme je m’égosille à vous le dire par écrit depuis le début de cet article. J’espère pour moi, et surtout pour vous, que vous ferez un détour musical par cette galette de LORD VOLTURE et que vous daignerez, si vous la trouvez à votre goût, à croquer dedans et à soutenir les cuisiniers qui ont mis tout leur cœur dans cette création, certes aucunement révolutionnaire mais qui apporte réellement un vent de fraîcheur à un style qui tourne un peu en rond depuis le début de cette nouvelle décennie. Une réalisation qui ne manque ni d’ardeur et encore moins de piquant.

Production : Bart HENNEPHOF (guitariste de TEXTURES) et Yuma VAN EEKELEN (batteur de PESTILENCE).

Mixage : Stephen VAN HAESTREGT (ex-batteur de WITHIN TEMPTATION et d’AMBEON).

Mastering : Peer RAVE.

Lieux d’enregistrement : Split Second Sound Studio à Amsterdam (NL) et Final Focus Studio à Tilburg (NL).

Lieux de mixage et de mastering : Swamp Studio à Raamsdonk (NL).

Pochette : Didier SCOHIER (qui a travaillé pour des formations et artistes aussi divers que HADES, PHANTOM X ou Herman RAREBELL) et Anne HERMANS.

Label : Mausoleum Records.
神の知恵
Date de publication : vendredi 27 février 2015