SYR DARIA - Voices
Style : Heavy Metal
Support :
CD
- Année : 2016
Provenance du disque : Reçu du groupe
10titre(s) - 50minute(s)
Site(s) Internet :
SYR DARIA WEBSITE
Label(s) :
Auto Production
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(15/20)
Date de publication : 13/12/2016
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Un opus sincère et attachant...
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La vie n’est pas forcément un long fleuve tranquille. De multiples remous ou grandes vagues peuvent survenir inopinément à n’importe quel moment de l’existence, la perturbant durablement tout en la transformant en d’impétueux torrents qui s’écoulent tortueusement, rendant toute accalmie bien difficile. Cet épanchement de mauvaises vibrations entraîne ainsi les âmes fragiles dans une frénésie aquatique péniblement handicapante pour qui souhaite avancer librement sans entrave d’aucune sorte. Pourtant, la Vie n’est qu’une succession de leçons nécessaires pour grandir et s’élever spirituellement de sorte à pouvoir ensuite guider les autres sur leur chemin existentiel tout en les éclairant sur les choix qui sont les leurs, dilemmes qui leur appartiennent et qui orienteront par la suite le reste de leur évolution personnelle et, de ce fait, de leur destinée. Après tout, nous sommes que ce que nous faisons. Nos actes déterminent notre essence, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Et ces actes sont le produit de nos perceptions du monde qui nous entoure, que nous appréhendons comme une vaste blague, un cirque planétaire, où le paraître prédomine sur l’être, où les faux-semblants ont pignon sur rue.
Et c’est en Asie Centrale, où ce fleuve sans repos prend sa source, que les voix de la conscience nous appellent. SYR DARIA, de son nom persique, qui traverse précisément le Kazakhstan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, se jette dans la mer d’Aral. Son patronyme ne vous dit peut-être rien. Et pourtant, ce cours d’eau long de 2212 kilomètres qui irrigue les champs de coton dans la région fût le théâtre de très importants événements historiques durant la période alexandrine. En effet, c’est à cet endroit que furent défaits les Scythes par le roi Darius III, dont parle IRON MAIDEN dans l’un de ses titres les plus épiques de sa carrière, Alexander The Great. Oui, le SYR DARIA est le fameux fleuve Jaxartes. Rien d’étonnant, donc, à ce que des musiciens français, fans de heavy metal et, de ce fait, de la VIERGE DE FER aient opté pour l’autre titre géographique moins connu du grand public afin, d’une part, de faire un clin d’œil à la légende vivante de la NWOBHM, inspiration pour bon nombre de formations contemporaines, et, d’autre part, pour se démarquer des britanniques de manière plutôt subtile.
Et cette tactique fût payante pour les alsaciens. Car, après un premier album plutôt réussi intitulé Circus Of Life, le quatuor a pu s’attirer les faveurs du label Brennus et, surtout, de quelques grands groupes et artistes comme SCORPIONS (première partie à la Foire aux Vins de Colmar en 2011), Paul DI’ANNO, TANKARD ou NIGHTMARE. De quoi avoir une belle visibilité et se sentir pousser des ailes tout en restant les pieds sur Terre. Après plusieurs concerts, notamment en ouverture de FREEDOM CALL, les frenchies ont décidé de prendre le temps de peaufiner leurs nouvelles chansons, histoire de nous proposer des morceaux plus aboutis que par le passé. Et, pour m’être déjà penchée sur Circus Of Life, il est évident pour moi que les titres de Voices se révèlent, effectivement, plus sombres et plus travaillées.
Voices s’ouvre sur Back To The Circus, une composition directe et entraînante qui nous met immédiatement dans le bain des flots du SYR DARIA. Ce préambule musical nous rappelle concrètement que la Vie n’est toujours qu’une énorme farce tel que nous l’annonçaient les mulhousiens il y a quatre déjà printemps. Pour appuyer sur ce point sensible qui fait encore très mal, cette intro circassienne interprétée d’un orgue de barbarie qui s’enraye au bout d’une quarantaine de seconde, ce qui emmène l’auditrice ou l’auditeur à ressentir un malaise certain et à se remémorer que l’existence est tout sauf une fête permanente. L’insouciance, la joie et l’allégresse peuvent disparaître à tout moment laissant place au doute, à la tristesse et au désespoir. Voices s’articule pas mal autour de la « folie » humaine sous toutes ses formes qui peuvent autant s’exprimer psychologiquement (Back To The Circus, Walk With The Dead, Insomnia, Voices) que psychiatriquement (Army Of Clowns, Hannibal, The Monkey) ou en faisant de mauvais choix (Pornstar). Dans tous les cas, la folie est soit absolue, soit toute relative, en blessant les autres ou en blessant soi-même, ce qui revient peu ou prou au même, puisqu’en se faisant du mal à soi-même (en se dirigeant sur le mauvais chemin) on fait du mal à celles, ceulles et ceux qui nous aiment et souffrent de nous voir tomber aussi bas. C’est exactement le même processus quand on s’acharne sur les autres, en fin de compte on se flagelle soi-même. Finalement, Voices, à part Gilead et Slaves Of Osiris, n’est rien d’autre qu’une sorte de psychothérapie ou, plus exactement, un rapport partiel de plusieurs psychanalyses ayant trait à divers aliénations mentales, plus ou moins volontaires, qui mènent toutes, sans exception, à la souffrance. Pour SYR DARIA, l’Humanité est celle qui crée cette démence permanente qui mène autrui à s’interroger sur le sens de la Vie, à se perdre dans les abîmes de la conscience et à ressentir un profond mal-être menant, parfois, tout droit à la déshumanisation. D’où l’artwork « test de Rorschach » qui illustre la pochette (et peut faire penser à un clown maléfique, mascotte de Circus Of Life), réalisée par Jon RENOIR. La Vie n’est qu’une remise en question permanente, une analyse perpétuelle de ses émotions et de ses perceptions qui, de temps à autres, peuvent se déformer au gré de nos ressentis les plus intimes et de nos expériences de Vie successives.
Musicalement, le heavy metal des français est incisif, malgré les quelques relents progressifs éparpillés ici et là, comme pour signifier que l’esprit est tout aussi graduel et imprévisible. L’ambiance générale est plutôt obscure, très axée sur le côté ténébreux de la « folie » humaine. Mais, cela ne surprend pas au vu de l’atmosphère pesante qui règne sur le monde, principalement depuis les attentats de Charlie Hebdo. Evénements dramatiques qui ont forcément influencé le groupe dans ce sens. Malgré tout, la lumière ressort régulièrement à travers les soli inspirés des deux guitaristes, nous enjoignant à ne pas baisser les bras et à regarder la réalité de la société comme une grisaille constante penchant tantôt dans la noirceur et tantôt, a contrario, dans la blancheur. L’univers fonctionne comme une balance entre le yin et le yang, le bien n’allant jamais sans le mal et vice versa. Parfois tranquillement et parfois de manière plus frénétique avec des accélérations de conscience ou d’inconscience définies par des éléments thrashy bienvenus, telle que les rythmiques caractéristiques ou le timbre de Guillaume HESSE qui étonne par son mimétisme avec celui d’un prénommé James HETFIELD dans les lignes vocales les plus agressives (Voices). L’efficacité se mêle à la technique. Et malgré une production semi-professionnelle qui ne met pas totalement les morceaux en valeur, la formation s’est tout de même très bien débrouillée à nous offrir un moment intéressant de méditation intérieure en vue de comprendre ce flux incessant périodique et successif de positivité et de négativité qui insuffle la Vie dans notre existence et nous permet de ne pas stagner dans notre humanité, à condition de libérer ses peurs et de plébisciter l’action juste quotidiennement afin de transformer le monde de sorte à ce qu’il ne soit plus le cirque infâme et chaotique que nous avons tou(te)s contribué à créer par nos modes de pensée limitatifs et nos schémas limbiques répétitifs réactionnaires.
Voices n’est, assurément, pas le disque de l’année. Cependant, un gros travail a été fait sur les textes, qui restituent quasi-parfaitement la ou les thématiques choisies, la musique, qui paraît désormais plus mûre et réfléchie, et le son, plus dynamique que par le passé. Ce second enregistrement marque le début d’une évolution plus pointue pour le groupe. Cette métamorphose doit se poursuivre pour que les alsaciens puissent finalement rejoindre le club restreint des formations hexagonales ayant réussi à percer en dehors des frontières gauloises, comme AWACKS, MANIGANCE ou ADX. Il y a encore du boulot à abattre, mais les frenchies peuvent espérer atteindre un nouveau palier prochainement, s’ils ne mettent, premièrement, pas autant de temps à mettre en boîte des galettes, et deuxièmement, s’ils aiguisent encore plus leur ambition, ce qui les mènera obligatoirement à rencontrer les bonnes personnes qui les amèneront plus loin sur la voie royale que briguent énormément de hordes chevelues francophones de nos jours. Mais, s’il y a une bande de potes zicos à soutenir parmi toutes celles qui désirent pouvoir s’exposer sous les feux des projecteurs, c’est bien celle-ci, car elle a réellement quelque chose à dire, même si celle-ci n’est pas évidente à première vue et même si leur heavy metal à tendance progressive n’est pas parfait. Il y a de la sincérité dans la démarche et c’est cela qui doit peser dans la balancer. Un opus attachant.
Line-up :
• Guillaume « Will » HESSE (chant, basse) • Michel ERHART (guitares) • Thomas HAESSY (guitares) • Christophe BRUNNER (batterie)
Equipe technique :
• SYR DARIA (production, enregistrement) • Renaud HEBINGER (mixage, mastering) • Jon RENOIR (artwork) • Guillaume « Will » HESSE (graphismes additionnels)
Studios :
• Mixé et masterisé aux studios Alligator (France)
Tracklist :
1) Back To The Circus 2) Gilead 3) Army Of Clowns 4) Slaves Of Osiris 5) Pornstar 6) Hannibal 7) The Monkey 8) Walk With The Dead 9) Insomnia 10) Voices
Crédits :
• SYR DARIA (musique et textes) • Stany BALLAND (intro de « Back To The Circus » et outro de « Voices ») • Tatiana « Tats » KOS (traductions additionnelles)
Durée :
• Durée totale : 50 minutes
Date de sortie :
• 13 décembre 2015
Discographie :
• Circus Of Life (2011) • Voices (2015)
Teaser de l’album Voices : cliquez ici
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