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02/03/2018
The imageless mirror
EVIL SPIRIT
 
Originaire d'Allemagne, le duo qui compose EVIL SPIRIT propose une vision fort singulière du Doom Metal. Ayant à son compte deux démos, un album (Cauldron Messiah, paru en 2014), le tandem livre The Imageless Mirror, un mini-album riche de cinq titres. Déjà paru en format cassette et en téléchargement numérique courant 2017, cet opus fait en ce début 2018 l'objet d'une édition vinyle. Voilà pour la forme, venons-en au fond.

Les curieux qui se sentiraient attirés par la photographie à caractère champêtre de la pochette ne manqueront pas d'être surpris, si ce n'est tout à fait déroutés à l'écoute de ces compositions. EVIL SPIRIT entretient en effet un rapport très libre avec les dogmes du Doom Metal et il est donc ardu de cataloguer le groupe dans l'un ou l'autre des sous-genres. S'il fallait trouver un point de comparaison pour vous permettre d'évaluer la démarche artistique de EVIL SPIRIT, je me référerais volontiers aux œuvres de Paul CHAIN, après qu'il ait quitté DEATH SS au début des années 80. La règle était simple : il n'y en avait pas... Comme pour mettre en pratique la devise rabelaisienne Fays ce que vouldras, reprise à son compte par l'occultiste Aleister CROWLEY (Do What You Wilt Shall Be The Whole Of The Law). Nul indice objectif que Marcelo AGUIRRE (chant et batterie) et Ari ALMEIDA (guitare et basse) soient des adeptes d'une quelconque abbaye de Thélème. Par contre, les manifestations de leur liberté de composition et de composition sont légions !
Soit dit en passant, la liberté de création propre à EVIL SPIRIT s'exprime sur quatre titres, sa liberté d'interprétation lui permettant de transcender le morceau Horrible Eyes, originellement créé par le gang italien DEATH SS en 1978 (groupe fondé par Paul CHAIN, tiens tiens), gravé sur la seconde démo de 1982, disponible sur la compilation The Story Of Death SS 1977-1984, réenregistré pour l’album Black Mass en 1989

Par exemple, quand vous commencez à subir le poids d'une rythmique plombée et lente à la mode CANDLEMASS, voilà que des lignes de chant étranges viennent perturber le classicisme Doom puisqu'elles ne répondent en effet pas aux critères en vigueur : ni lyriques, ni caverneuses, elles évoquent un Jim MORRISON défoncé, avec un rendu spectral, gothique et décadent. Ponctuellement, les intonations se crispent et prennent une tournure plus menaçante qui diversifie le propos, tout en demeurant dans un mode d'expression morbide.

Par ailleurs, l'univers lugubre et pesant se trouve par moment traversé par des interventions d'instruments non orthodoxes dans ce contexte : contrebasse, saxophone ténor et clarinette interviennent ponctuellement en mode bruitiste. Plus classiquement, des moments plus apaisés, marqués par une guitare acoustique viennent aérer une atmosphère délétère (The Golden Fleece).

L'ambiance générale demeure plongée dans l'obscurité la plus fétide, avec à peine quelques raies d'une lumière grisâtre pour signifier que l'espoir n'est plus permis, juste une promesse inatteignable. Comme les deux membres du projet sont experts, ils agencent leurs compositions en articulant de multiples séquences, sans prétention progressive ostentatoire mais avec un art réel de la déambulation parmi les tombes...

Si cela ne tenait qu'à moi, The Imageless Mirror ferait office de manifeste Doom, débarrassé de toute formule préconçue, de toute prise en compte des attentes d'un public (de tout façon hypothétique). Ramassant l'art suprême du Doom inaugural de CANDLEMASS au service d'une démonstration débridée et baroque à la Paul CHAIN (avec ou sans son VIOLET THEATRE), EVIL SPIRIT rafle au passage l'esprit originel de CELTIC FROST et CATHEDRAL, sans jamais s'y réduire. Vivement le second album !
Alain
Date de publication : vendredi 2 mars 2018