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20/04/2022
Power of the hunter
TANK
 
Il y a onze ans, notre inoxydable chroniqueur Raskal livrait une chronique à propos du second album du trio britannique TANK, initialement paru en 1982 (cliquez ici). A l’occasion de la campagne de rééditions des premiers albums de TANK par le label High Roller records, je me permets de proposer une appréciation alternative de Power Of The Hunter, souvent jugé à l’aune de la fougue indéniable de son prédécesseur Filth Hounds Of Hades. Une chose est certaine, publier ses deux premiers albums la même année, tout en assurant un planning de tournée chargé n’est pas forcément un gage de réussite. Même si l’ami Raskal se montrait généreux dans sa notation (15/20), il jugeait sévèrement cet album : aucune trace de morceau marquant, perte de fougue et de hargne, selon lui.

Le but de cette seconde chronique n’est pas d’affirmer le contraire de ce qui fut écrit lors de la décennie précédente, mais bien d’offrir une autre perspective. Un point essentiel sur lequel je m’accorde avec Raskal : Power Of The Hunter se situe à tous points de vue un cran en dessous de son fougueux prédécesseur. On y trouve effectivement moins de titres marquants et, surtout, on constate un impact sonore moins évident.

Commençons par traiter ce dernier point. Quelques mois plus tôt, Fith Hounds Of Hades avait été produit par Fast Eddie CLARKE, guitariste de MOTÖRHEAD. Bien que relativement inexpérimenté, ce dernier avait privilégié un rendu sans fioritures, brut de décoffrage, conforme aux prestations scéniques du trio. Or, Power Of The Hunter a été produit par Nigel GRAY, qui avait œuvré avec succès sur les trois premiers albums de THE POLICE et sur les troisième et quatrième albums de SIOUXSIE AND THE BANSHEES (Kaleidoscope, 1980, et Juju, 1981). N’ayant aucune expérience pour le Rock énervé, encore moins pour le Hard Rock, ce producteur n’a cependant trahi ni son savoir-faire, ni l’essence du groupe. C’est ainsi que toutes les compositions de l’album se trouve dotées d’un son limpide, nerveux, à l’os, mettant davantage les éléments mélodiques et préservant le sens du groove Rock si caractéristique de TANK à ses débuts. C’est ainsi que les lignes de chant sonnent moins agressives, plus maîtrisées, sans qu’Algy WARD n’abandonne son approche teigneuse. Pourvue d’un son sec et détaillé, la batterie de Mark BRABBS demeure aussi généreuse et mobile que précédemment. A l’identique, la basse d’Algy WARD demeure épaisse et tendue, essentielle dans le mix, arc-boutée sur une appropriation sévère de motifs Boogie Rock.
Si elle demeure versatile et sèche, la guitare de Peter BRABBS subit toutefois le plus fortement le traitement limpide de la part de Nigel GRAY. Non pas que le producteur tente d’entraîner les parties de guitare vers la Pop. Seulement, dans son souci d’apporter de la clarté et de la précision, il a oublié la férocité et le mordant ! D’où un album plus Rock que Hard Rock, techniquement mieux maîtrisé, mais incontestablement moins passionné.

Venons-en à la qualité des compositions. Il n’y a rien ici de honteux et plusieurs morceaux parviennent à accrocher l’attention, grâce des rythmiques accrocheuses ou à des refrains simples mais entêtants. Sans nul doute, si ces titres avaient été valorisés avec une rugosité identique au premier album, ils auraient eu un rendement largement plus efficace. Si le déficit global de puissance relève des choix de production et surtout de mixage, il n’en demeure pas moins que la responsabilité de livrer des compositions efficaces et marquantes demeurait entre les mains de TANK. Or, le style de TANK demeure très classique et peu novateur : on évolue dans le binaire, dans le carré et le direct dans ta face. Aussi, on peut se demander pourquoi Walking Barefoot Over Glass, doté d’un swing nerveux et d’un refrain percutant, dure plus de 5’30, l’efficacité âpre se diluant quelque peu dans une répétition stérile.

Malgré un relatif déficit de puissance, l’écoute de cet album demeure addictive, un peu comme si un groupe de Pub Rock à la Dr FEELGOOD avait contracté le mordant mélodique des jeunes PRETENDERS, avec un impératif rythmique binaire plus marqué, à la VARDIS. Le fait que l’album comprenne Crazy Horses, reprise d’un titre tiré de l’album éponyme de 1972 par THE OSMONDS (groupe américain de Pop consensuelle), n’arrangea pas les affaires de TANK, nonobstant un traitement sévèrement burné.

Généralement englobé dans l’appellation fourre-tout de New Wave Of British Heavy Metal, le groupe devait faire face à plusieurs handicaps : la comparaison trop réductrice à MOTÖRHEAD (un trio, un goût pour le Rock fort et direct, deux tournées en commun), une apparition discographique somme toute tardive (1981 pour le premier EP, 1982 pour les deux premiers albums), un label trop faible (qui fit d’ailleurs faillite peu après !). Difficile de lutter dans ces conditions. Toujours est-il que Power Of The Hunter fait office de mouton noir dans la discographie initiale du groupe. Cette réédition constitue une chance de saisir les nuances proposées sur Power Of The Hunter, avant que TANK ne retrouve la rage.

Vidéo non officielle de l’album : cliquez ici
Alain
Date de publication : mercredi 20 avril 2022