18 / 20
22/04/2022
Aeon
EREBE
 
Diantre, que ce premier album du quintette français EREBE fait du bien ! Citée dans la biographie fournie par le label et reprise sans trop de précaution ni de précision par pas mal de sites, l’appellation Post Metal pourrait laisser espérer des rythmiques pesantes et épaisses, des riffs de guitare tordus, des ambiances sombres, un chant maladif, ainsi que tout l’attirail surpuissant, dérangeant et torturé, propre à ce sous-genre. Cela dit, quelques minutes suffisent pour qu’on comprenne que l’on a affaire à un projet autrement plus complexe et ambitieux, méritant bien mieux que l’assignation réductrice à telle ou telle étiquette. En fait, ce qui fait la richesse d’Aeon, c’est bien la convocation d’univers musicaux très divers, très contrastés, leur convergence extrêmement maîtrisée – dans l’écriture, dans l’interprétation, dans les arrangements – en vue d’un rendu harmonieux, parce que contrasté.

Epuisons d’emblée cette référence au Post Metal. Oui, les adeptes de cette tendance trouveront ici leur lot de riffs graves et biscornus, de guitares aigres, de vocaux paroxystiques (caverneux ou plus douloureusement écorchés, qui conviendraient bien à des amateurs de Death et de Black Metal), de rythmiques pesantes. Pour autant, une évidence s’impose : EREBE ne se veut prisonnier d’aucun style en particulier, mais assume parfaitement d’en convoquer de nombreux en vue de construire sa musique à la fois puissante et sensible.

La seconde famille musicale que l’on ne peut contourner est bien entendu le Progressif. Seulement, une fois que l’on a affirmé cela, on n’est pas plus avancé. Certes, EREBE se plaît à proposer systématiquement des structures riches en ruptures rythmiques, en variations de tempo, en contrastes d’ambiances, en maîtrise instrumentale. Cependant, on distinguera des ingrédients qui évoquent ostensiblement le Rock progressif des années 70 (un fort niveau de technicité dans les compositions et dans l’interprétation) et 80 (ce goût pour un chant majoritairement clair et émotionnellement expressif, pour des guitares et des synthés limpides). Pour autant, les adeptes d’un Rock progressif plus puissant, voire d’un Metal progressif à la OPETH ou KATATONIA, ne seront pas déçus. L'élégance mélancolique d'un FATES WARNING n'étant pas incongrue...

Pour autant, EREBE ne cède à aucune des dérives coutumières du monde Prog, à savoir la démonstration technique d’une part, les développements interminables. L’adaptabilité de la section rythmique, autant que les solos de guitare techniques mais toujours mélodiquement construits, constituent autant de gages de la maîtrise instrumentale incontestable des musiciens, lesquels n’éprouvent à aucun moment le besoin d’étaler plus avant leur savoir-faire. Pour ce qui est de la durée des compositions, il faut bien admettre qu’EREBE parvient à multiplier les séquences, à varier les ambiances, à installer des contrastes forts, le tout dans des formats très raisonnables (4-5 minutes), avec une exception excédant les dix minutes – The Collector – qui évite toutefois toute boursouflure, toute digression, privilégiant une asphyxiante tension dramatique permanente.

En somme, EREBE ouvre sa discographie par un coup de maître qui commet l’exploit de pouvoir faire converger les fans de Post Metal, de Metal progressif, de Death Metal complexe, de Post Black, de Rock progressif puissant et délicat (fans de BIFFY CLYRO ou de MUSE en quête de sensations fortes). Tout simplement magnifique !

Vidéo de Replicate : cliquez ici
Alain
Date de publication : vendredi 22 avril 2022