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26/06/2022
Long long road
Arthur BROWN
 
Incontestablement, le chanteur britannique Arthur BROWN est un personnage. Peut-être ne le connaissez-vous pas mais, dès ses premiers pas discographiques en 1968, avec l’album The Crazy World Of Arthur Brown, notre homme sut se distinguer de par sa voix, de par le tube imparable Fire - à la fois étrange, totalement addictif et obsédant (CATHEDRAL en fit une puissante reprise en 1996) et de par sa prestation scénique pour le moins flamboyante : en effet, le bougre portait une couronne enflammée. Jugez plutôt ici cliquez ici ou là cliquez ici. Soit un morceau irrésistible, basé sur des pulsations rythmiques d’orgue et sur un refrain percutant. Quiconque visionne cette archive ne peut que constater 1° l’efficacité intrinsèque d’une composition incroyablement accrocheuse de par son écriture et de par son interprétation fiévreuse, 2° le caractère précurseur de l’apparence visuelle : "Corpse paint" avant l’heure (avant même ALICE COOPER et KISS, avant bien entendu les hordes maléfiques du Black Métal), couronne enflammée et gestuelle possédée. Vous voulez constater l’hommage qu’ALICE COOPER a de facto rendu à Arthur BROWN ? Visionnez ceci : cliquez ici.

Après un début si intense, le problème est qu’il faut donner suite et qu’il est souvent difficile d’égaler la brillance initiale, sans parler de retrouver un succès analogue. Ce qui explique que la suite de la carrière du chanteur s’effectua de manière nettement plus discrète en termes d’exposition publique et de succès commercial. Pourtant, le dieu autoproclamé du feu de l’enfer n’a pas chômé, que ce soit sous son propre nom, avec le groupe KINGDOM COME et dans de multiples collaborations. Concernant ces dernières, on retiendra sa performance ô combien théâtrale dans le film Tommy (1975), adaptation de l’Opéra Rock fameux des WHO : il y tenait le rôle d’un prêtre un brin spécial ! Citons aussi ses interventions pour le compte de l’ALAN PARSONS PROJECT, pour le claviériste allemand Klaus SCHULZE (album Dune en 1979, le projet RICHARD WAHNFRIED), DIE KRUPPS, Bruce DICKINSON (un récitatif sur The Chemical Wedding,1998).

A 80 ans, Arthur BROWN s’est à nouveau acoquiné avec le multi-instrumentiste Rik PATTEN, avec qui il a déjà collaboré pour les albums studio The Voice Of Love (2007) et live The Magic Hat (2012). En dépit de l’illustration de la pochette, qui renvoie une fois de plus à sa première incarnation, les neuf compositions de cet album ne ressemblent en rien à une tentative passéiste de recréer vainement et cyniquement une formule de jadis. Non pas qu’Arthur BROWN ait tourné le dos au passé, simplement, il s’empare de ses influences et de son propre patrimoine pour en livrer une version qui lui corresponde. Des signes du passé ostensibles et non dissimulés ? Ils sont nombreux : orgue Hammond, flûte traversière, vibraphone, cuivres, sonorités Folk Prog, grosses influences en provenance du Blues, mais aussi ballades épiques telles que les pratiquèrent Bob SEGER ou Bruce SPRINGSTEEN dès les années 70…n’en jetez plus ! On pourrait craindre un effet patchwork, une diversion dans l’inspiration, alors que, bien au contraire, le chanteur et son complice combinent avec inventivité tous ces éléments bien connus au sein de structures qui, sans verser dans un quelconque avant-gardisme, se jouent de l’alternance éculée couplet-refrain. Même si les durées respectives des titres se situent généralement autour de quatre-cinq minutes, une progression rythmique et mélodique se propose toujours, avec même de fort beaux passages hypnotiques qui nous rappellent quel shaman Arthur BROWN a toujours été.

Car oui, à 80 balais, le chanteur haut perché assure une prestation vocale de tout premier ordre. Il est capable de vous sortir un timbre un peu rauque et menaçant, similaire à celui de son admirateur ALICE COOPER, des exercices de style digne d’un Bluesman du bayou ou de monter dans des audaces plus dramatiques (n’oubliez pas, il s’agit d’un des cinq chanteurs préférés de Bruce DICKINSON et ce n’est pas pour rien !). Le temps ne semble avoir aucune prise ni sur sa capacité à varier de timbre, d’intonations et d’intensité : c’est tout bonnement bluffant !
Terminons en saluant la qualité de la production, très vivante, et la pertinence d’un mixage limpide, précis et dynamique. Quel album merveilleux, véritable feu d’artifice de Blues Rock psychédélique et progressif, tour à tour terre à terre et dramatique ! L’esprit imaginatif de la décennie 1965-1975 demeure encore bien vivace grâce à un jeune homme nommé Arthur BROWN. S’il est bel et bien un personnage de l’histoire du Rock, Arthur BROWN n’est pas près d’être momifié, lui qui défie avec panache les classiques embûches de l’âge. C’est certain, le mage possède le feu sacré !

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Alain
Date de publication : dimanche 26 juin 2022