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13/10/2022
Symbol of eternity
GRAVE DIGGER
 
Cela fait désormais 42 ans que la troupe de Gladbeck parcourt les routes pour défendre l’étendard flamboyant du heavy metal à la sauce teutonne. Après dix-neuf rondelles plus ou moins mémorables mais toujours empreintes d’honnêteté et de persévérance, plus une sous le simple patronyme de DIGGER en 1986 qui s’avère un peu à part dans la discographie du quartet de par son aspect plus commercial, l’escouade de la mort nous revient en ce millésime 2022 avec ce qui s’apparente pour elle à un symbole d’éternité. Si Fields Of Blood était un chant du cygne pour la trilogie écossaise entamée il y a plus d’un quart de siècle avec le sympathique Tunes Of War, ce dernier opus devrait prolonger la croisade en Terre-Sainte réalisée en 1998 sur Knights Of The Cross et, semble-t-il, clore le chapitre médiéval de la formation outre-rhénane constitué également de Tunes Of War et Excalibur.

La précision et la régularité légendaires des allemands n’est plus à prouver, vu le sérieux des musiciens, mais aussi de leur peuple. Tels des coucous suisses qui sortent le bout de leur bec à la seconde près, les ménestrels ne se prennent pas la tête avec les critiques qui pourraient lui reprocher de ne pas prendre assez de temps entre deux enregistrements pour les peaufiner plus que cela, voire modifier quelque peu leurs gimmicks reconnaissables entre mille. Néanmoins, Chris BOLTENDAHL et Axel RITT, accompagnés de leurs fidèles Jens BECKER et Marcus KNIEP, savent très bien comment leur musique doit sonner et c’est très bien comme ça. Car, quand bien même certains de leurs opus peuvent être plus faibles que d’autres, la plupart sont cependant de grosses tartes dans la gueule.

Et la recette générale « ne change absolument pas » d’un iota sur ce Symbol Of Eternity bien massif. GRAVE DIGGER a une nouvelle fois sorti l’artillerie lourde de l’époque templière (les balistes, les trébuchets, les mangonels, les couillards, les béliers et tout le toutim) pour défoncer les crânes et les dernières résistances métalleuses qui pourraient se présenter à lui. En supplément des armes plus conventionnelles, telles que les épées ou les masses d’armes, idéales pour le combat en corps-à-corps. C’est, d’ailleurs, affublés de tels outils de guerre que les troubadours contemporains ont présenté leurs dernières vidéos relativement cheap, à savoir celle des singles Kings Of The Kings et Hell Is My Purgatory.

Symbol Of Eternity s’ouvre sur un instrumental plutôt pas mal, pas forcément étranger aux fans du groupe dans le style, qui annonce clairement le visage épique de cette désormais 20ème rondelle des voisins germains. The Siege Of Akkon est une déclaration qui fait directement mouche. A la lisière du chemin emprunté par les hymnes immémoriaux du cinéma que sont les grands classiques de Howard SHORE (Le Seigneur des Anneaux, Le Hobbit) ou Basil POLEDOURIS (Conan Le Barbare, Robocop), cette pièce servant de prélude aux 11 autres compositions est l’œuvre, une fois n’est pas coutume, de Marcus KNIEP. Vu la qualité de cet amuse-bouche phonique, il serait plutôt agréable de voir l’ancien claviériste de GRAVE DIGGER reconverti en frappeur de fûts proposer d’autres choses de ce genre sur les prochaines réalisations du quatuor. D’ailleurs, le bassiste Jens BECKER s’est lui aussi volontiers prêté au jeu de la signature d’un titre, le très bon The Last Crusade, qui colle plutôt bien dans la discographie de la formation. Différent par sa structure rythmique, il n’en reste pas moins bien épais et assez sombre, dans la droite lignée des The Keeper Of The Holy Grail, The Round Table (Forever), Avalon, Scythe Of Time ou, plus récemment, Clash Of The Gods, de par son mid-tempo très lourd et son atmosphère relativement glauque par moments.

Entre les deux, uniquement des pistes estampillées par la paire Chris BOLTENDAHL/Axel RITT, toujours aux commandes de la machine GRAVE DIGGER. Ceci tant au niveau de l’écriture que de la production. Car, oui, le chanteur et le six-cordiste n’ayant plus rien à apprendre en ingénierie de studio, ce sont désormais eux seuls qui se sont occupés de la mise en boîte des vocaux, pour Chris, des guitares, de la basse et de la batterie, pour Axel, ainsi que du mixage et du mastering. Exit, donc, Jörg UMBREIT qui, naguère, était en charge de ces affaires. Résultat des courses, un album au son plutôt compressé, ce qui a, ponctuellement, pour conséquence d’étouffer les instruments qui se retrouvent ainsi un peu trop concentrés, comme le contenu d’une brique de jus multivitaminé ou d’une purée de tomates. Cela dit, ça donne aussi beaucoup d’intensité aux morceaux. Autre changement de taille, Uwe JARLING est l’illustrateur de cette magnifique pochette représentant un croisé, en lieu et place d’Alexander TARTSUS qui avait pu faire preuve de son talent sur Fields Of Blood. De fait, nous découvrons un autre coup de pinceau et des couleurs plus chatoyantes, plus gaies. D’ailleurs, il s’agit d’un reflet de la musique présente sur cet album haut-en-couleurs. Moins larmoyants que les ritournelles de Fields Of Blood, les morceaux de Symbol Of Eternity évitent le pathos et le mélodrame des épopées écossaises pour se concentrer uniquement sur le tranchant des lames chevaleresques. Je vous laisse imaginer le topo.

Battle Cry, par exemple, est un nouveau Call For War, tandis que Hell Is My Purgatory louche du côté de Kill Ritual. Pendant ce temps, King Of The Kings, second représentant de Symbol Of Eternity n’est pas sans rappeler The Last Supper, voire Blade Of The Immortal. Au démarrage, Symbol Of Eternity ramène à la belle époque de BLACK SABBATH avec son intro typique de Tony IOMMI & co, avant de partir sur quelque chose de plus caractéristique de GRAVE DIGGER, même si la structure générale de cette piste aurait collé aux albums des natifs de Birmingham, principalement Heaven And Hell et 13, vu l’approche quasiment doomesque de la guitare et des rythmiques. Après un peu plus de 5 minutes de ce cocktail britannique, Chris BOLTENDAHL et consorts se lancent dans une épopée digne de Lawrence D’Arabie avec, Saladin, un menu interlude orientalisant qui achemine sur Nights Of Jerusalem, une ode aux combats sanglants qui ont eu lieu durant plusieurs siècles dans ce haut-lieu des religions monothéistes entre Croisés et Sarrasins, où la protection du tombeau du Christ était une priorité pour les nobles européens. Cette composition mélange étrangement des refrains à la BLIND GUARDIAN (Precious Jerusalem), du moins en a-t-on l’impression avec ces chœurs hauts perchés en arrière-plan et des soli de gratte à la Emppu VUORINEN de NIGHTWISH (The Siren). Il s’agit d’une des pistes les plus intéressantes artistiquement parlant de ce Symbol Of Eternity dopé aux idées et aux épinards. Mais, la force popeyeienne ne s’arrête pas en si bon chemin, car Heart Of The Warrior remet les allemands sur les rails de l’efficience avec leur metal hyper tranchant, doublée d’une touche de baroque sur les parties en solitaire d’Axel RITT et un délicat clin d’œil de Marcus KNIEP aux américains d’AEROSMITH à coups de syncopes bien placées. Voilà que débarque le dernier trio de choc avant l’apothéose finale. Ce triplet s’amorce sur un symphonique Grace Of God, qui flirte bon avec l’acoustique tout en revendiquant l’héritage du cultissime Knights Of The Cross. Effectivement, ce titre sympathique est un proche cousin de Lionheart, The Keeper Of The Holy Grail, Baphomet et The Curse Of Jacques. Sky Of Swords est le rejeton direct, en plus tristounet, de All For The Kingdom et Lions Of The Sea. Ecoutable, sans pour autant être mémorable, cette chanson revêt un côté mélancolique qui faisait jusqu’alors défaut à Symbol Of Eternity, trop guilleret pour une rondelle qui s’intéresse à une belligérance de civilisations. Finalement, Holy Warfare, là aussi, surprend avec ses galopades sautillantes à la The Trooper de IRON MAIDEN, tout en demeurant dans une veine Healed By Metal bien marquée.

GRAVE DIGGER ne serait pas ce qu’il est sans exotisme. Après avoir exploré les tréfonds du folklore roumain sur Zombie Dance, les pirateries maritimes sur Lions Of The Sea, dansé le sirtaki sur Clash Of The Gods, v’là-t’y pas que le quartet remet le couvert avec Hellas Hellas une reprise bonus de Vasilis PAPAPKONSTANTINOU, artiste grec qui a eu les cojones de faire un duo avec Chris BOLTENDAHL qui, une fois n’est pas coutume, s’est mis à vociférer dans la langue de Zeus. Et, par la tignasse bleue ciel de Hadès, le grand vocaliste ne s’en sort pas trop mal.

Symbol Of Eternity est une agréable sortie qui devrait faire le bonheur des adeptes de GRAVE DIGGER. La troupe de ménestrels s’est efforcée de moderniser une recette qui marche depuis des lustres en y ajoutant quelques ingrédients supplémentaires histoire de pimenter le tout et de ne pas faire dans la redondance. Ce que plusieurs médias lui reprochent régulièrement. Du coup, même si cette 21ème offrande ne révolutionnera ni le genre pratiqué ni le groupe en lui-même, elle permet, toutefois, de prendre le quidam à contrepied avec ces emprunts discrets mais perceptibles à d’autres styles ou formations. Symbol Of Eternity, moins émotionnel que son prédécesseur, est en quelque sorte le pendant musical des films Massacre A La Tronçonneuse et Speed, puisqu’il coupe dans le vif tout en fonçant avec urgence. Cela dit, à part des hymnes comme Hell Is My Purgatory, Battle Cry, Heart Of The Warrior ou The Last Crusade, il n’y a pas réellement de moments de gloire, pour reprendre l’expression popularisée sur CD par les compatriotes de SCORPIONS. Telles des montagnes russes, qualitativement parlant, les hauts et les bas, se succèdent avec de rares déflagrations qui pètent à la gueule. D’aucuns compareraient cette galette à un tracé plat sur un monitoring. Pour ma part, même si je me suis moins éclatée que sur Fields Of Blood ou The Living Dead, je dirais plutôt que le groupe est dans un éminent processus créatif et qu’il se laisse facilement emporter par une certaine forme d’exaltation qui le pousse à engendrer trop séquentiellement sans avoir assez de recul sur le calibre de ses rejetons discographiques. Alors oui, Symbol Of Eternity n’est pas de l’acabit de Knights Of The Cross, c’est une certitude, mais non Symbol Of Eternity n’est pas la catastrophe décrite par certaines mauvaises langues sur une encyclopédie anglophone que je ne nommerai pas, notamment. En ce qui me concerne, le plaisir de l’écoute était bien là. Retrouver Chris BOLTENDAHL, Axel RITT, Jens BECKER et Marcus KNIEP en pleine forme, prêts à défendre (glad)bec(k) et ongles leurs armoiries dans un tournoi chevaleresque dont j’ai pu m’imprégner une bonne vingtaine de fois, c’est un cadeau du ciel après deux trop longues années à tourner en rond tout en se demandant de quoi sera fait le lendemain. Si vous appréciez les grosses guitares qui crashent, les voix rauques qui rockent un max et la double-pédale qui mouline aussi prestement que les pales d’une éolienne durant un ouragan floridien, Symbol Of Eternity est votre came. Symbol Of Eternity n’est pas le disque de l’année, mais il figurera assurément dans mon top 10. Ce disque offre cependant une bonne dose de frissons et d’énergie. En cette période de frimas économico-sociologico-climatiques, Symbol Of Eternity est comme la souplette de mamie, elle réchauffe le corps, le cœur et l’esprit. C’est déjà ça de pris. Et, comme dans un buffet à volonté, on en redemande encore et toujours. Vivement la suite !!!




Line-up :

Chris BOLTENDAHL (chant)
Axel RITT (guitares)
Jens BECKER (basse)
Marcus KNIEP (batterie, claviers)


Equipe technique :

Chris BOLTENDAHL (production, mixage, mastering, concept pochette, enregistrement chant)
Axel RITT (enregistrement guitares, basse, batterie)
Uwe JARLING (illustration pochette)
Wanderley PERNA (design pochette)
Jens HOWORKA (photographie)


Guests :

Vasilis PAPAKONSTANTINOU (chant sur Hellas Hellas)
Hacky HACKMANN (chœurs)
Andreas VON LIPPINSKI (chœurs)


Studios :

Mixé et masterisé aux Graveyard Studios (Cologne, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne)
Guitares, basse et batterie enregistrés aux Meadows Studios (Babenhausen, Hesse, Allemagne)
Chant enregistré aux Graveyard Studios (Cologne, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne)


Crédits :

Chris BOLTENDAHL (paroles, musique, arrangements)
Axel RITT (musique, arrangements)
Jens BECKER (musique de « The Last Crusade »)
Marcus KNIEP (musique de « The Siege Of Akkon »)


Tracklist :

1) The Siege Of Akkon (instrumental)
2) Battle Cry
3) Hell Is My Purgatory
4) King Of The Kings
5) Symbol Of Eternity
6) Saladin (instrumental)
7) Nights Of Jerusalem
8) Heart Of A Warrior
9) Grace Of God
10) Sky Of Swords
11) Holy Warfare
12) The Last Crusade
13) Hellas Hellas (reprise de Vasilis PAPAKONSTANTINOU)

Durée totale : 50 minutes environ.


Discographie non-exhaustive :

Heavy Metal Breakdown (1984)
Witch Hunter (1985)
War Games (1986)
Stronger Than Ever [Sous le nom de DIGGER] (1986)
The Reaper (1993)
Heart Of Darkness (1995)
Tunes Of War (1996)
Knights Of The Cross (1998)
Excalibur (1999)
The Grave Digger (2001)
Tunes Of Wacken [Live] (2002)
Masterpieces [Compilation] (2002)
Rheingold (2003)
The Last Supper (2005)
25 To Live [Live] (2005)
Liberty Or Death (2007)
Ballads Of A Hangman (2009)
The Clans Will Rise Again (2010)
Clash Of The Gods (2012)
Return Of The Reaper (2014)
Exhumation – The Early Years [Compilation] (2015)
Let Your Heads Roll – The Very Best Of The Noise Records 1984/1986 [Compilation] (2016)
Healed By Metal (2017)
The Living Dead (2018)
Fields Of Blood (2020)
Symbol Of Eternity (2022)


Date de sortie :

Vendredi 26 août 2022




Clips vidéo :

Hell Is My Purgatory (Vidéo Officielle)

King Of The Kings (Vidéo Officielle)
神の知恵
Date de publication : jeudi 13 octobre 2022