16 / 20
11/11/2022
Call of the void
VOID CRUISER
 
Le groupe finlandais VOID CRUISER (passé de quartette à quintette) n’est pas à proprement parler un perdreau de l’année, puisque sa création remonte tout de même à 2011 et que Call Of The Void s’est vu précédé par Overstaying My Welcome (2013) et par Wayfarer (2017). Les gars ont donc de l’expérience, du recul et savent pertinemment ce qu’ils veulent produire. Or, ce qui frappe à la première écoute des neuf compositions de ce troisième album, c’est une franche impression de puissance. C’est bien simple : propulsés par une section rythmique particulièrement trapue, les riffs percutent l’auditeur avec un impact maximal. Dans cette optique, la mise en son combine une prise de son assez brute et un mixage à la fois détaillé et soucieux de cette fameuse puissance d’ensemble. Alors, VOID CRUISER se résumerait-il à un fort efficace, quoique fort classique, groupe de Stoner Metal ?

Que nenni. On ne prétend pas nier l’importance de l’apport Stoner dans le répertoire de VOID CRUISER : l’épaisseur rythmique prédominante en atteste, de même qu’un goût avéré pour les ambiances troubles, irriguées par un psychédélisme poisseux. Voilà d’ailleurs la première échappatoire au monolithisme. Soucieux de ne pas se cantonner aux riffs de bûcherons, les deux guitaristes se plaisent à multiplier les variantes, parfois franchement dépouillées et simplement mélodiques, plus souvent tordues et grinçantes. Cela évoque forcément le Grunge, tel que pratiqué dans les années 90 par ALICE IN CHAINS, MELVINS et SOUNDGARDEN, sorte de combinaison vénéneuse des riffs de BLACK SABBATH, du Rock indépendant le plus nerveux et urgent (les PIXIES, MUDHONEY et NIRVANA venant assez facilement à l’esprit, les STOOGES rôdant en arrière-plan), et du psychédélisme issu de la seconde moitié des années 60. Mais peut-être serait-il plus pertinent de se rapprocher de la réappropriation du psychédélisme qu’opérèrent quelques formations des années 80, dans un contexte post-Punk (on songe aux élégants ECHO & THE BUNNYMEN et à JESUS & THE MARY CHAIN).
Le chant de Santeri SALO s’adapte effectivement à cette versatilité. Partant d’un registre clair (légèrement filtré) et médium, il se montre capable de crispations évocatrices du Hardcore, plus fréquemment de modulations traînantes et nasales typiques du Grunge

Les formats intermédiaires adoptés sur cet album – entre cinq et sept minutes – permettent au groupe d’agencer intelligemment ces influences multiples et complémentaires et de proposer des compositions qui, sans être révolutionnaires, s’avèrent suffisamment évidentes, dans un contexte où les changements d’ambiances, de rythmes et de tempos injectent une tension dramatique tout à fait dynamique.

Je souhaite effectuer un zoom sur le titre qui conclue cet album fort en gueule (au moins sur la version CD et numérique) ; bien que de bout en bout traité par un filtre de distorsion franchement inutile, Infinity s’affiche comme un modèle de dépouillement, fortement évocateur de l’Americana désabusée. A mon sens, VOID CRUISER tirerait franchement avantage à assumer ce versant de ses influences, quitte à aérer le son épais et impérieux qui le caractérise majoritairement. En attendant cette émancipation du tout électrique et épais, VOID CRUISER livre un disque avant tout efficace, nettement plus subtil qu’il n’y paraît de prime abord.

Vidéo de Happiness : cliquez ici
Alain
Date de publication : vendredi 11 novembre 2022