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10/12/2022
La mort appelle tous les vivants
BARABBAS
 
Oyez, frères et sœurs, cousins, cousines et petits chiens fidèles de BARABBAS ! Nous avons tous dans le cœur, les vibrations de leurs précédents sermons. C’était en 2011 Libérez Barabbas, puis en 2014 Messe Pour un Chien. Las ! Huit longues années s’écoulèrent avant que nous ne puissions à nouveau communier. À peine avons-nous été gratifiés d’un petit os à ronger à mi-parcours, La Cathédrale De La Sainte Rédemption (2019). Pourtant, c’est avec ferveur que nous brûlions des chandelles en masse sur l’autel du Saint Riff Rédempteur, priant pour un retour en grâce de notre saint BARABBAS. Combien de cierges ainsi consommés et de poulets égorgés, mon saigneur ? En serons-nous récompensés ?

Alléluia ! en 2022 Il revient nous annoncer que La Mort Appelle Tous Les Vivants ! Par Saint Iommi soyez bénis et par Lemmy un peu aussi. En ce jour de gloire, sans capuches dérisoires, ni vains accessoires, BARABBAS apporte la salvatrice obscurité d’un doom metal musclé. Loués soit leur sincérité originelle, leur efficacité professionnelle, et leur ton au naturel.

Tous les ingrédients sont réunis pour propulser ce nouvel album sur les plus hautes marches du podium, parfaite alliance de lourdeur et de puissance au service de robustes textes en français.

Encadrés par l’annonce macabre mise en ambiance dans les délicieuses et inquiétantes Intro et Outro, les morceaux défilent, plus jouissifs les uns que les autres : briseurs de nuques comme du metal, sombres comme du doom, crus et dérangeants comme du punk, hypnotique comme du rock psychédélique. Dans ce chaudron infernal, je voudrais extraire quatre titres en raison de l’impact particulier qu’ils ont sur moi.

Bien sûr, le heavy et puissamment charpenté Je Suis Mort Depuis Bien Longtemps ne peut pas laisser indifférent, il me fracasse d’entrée. Pourtant, j’y préfère Le Saint Riff Rédempteur avec sa guitare plus tranchante à l’ouverture, sa basse qui aspire l’air de la pièce comme un moteur de Mustang, et son riff entêtant. Lorsqu’à 5’30 le tempo s’alourdit, je sens une chappe de plomb qui s’abat (ou sabbath) sur mes épaules tandis que la mélodie épique qui s’évade du riff me sauve de l’abîme.

Je suis fort impressionné par De La Viande et je me sens consommé par ses vers crus : « Le temps est un boucher qui me dévore vivant », « Le cosmos est un carnivore », « Bétail humain sur le fil du hachoir / L’existence est un abattoir ». Je suis très sensible à ce titre qui nous rappelle notre modeste état organique, échoués comme des bouts de barbaque sur l’étal infini du continuum spatio-temporel. C’est toujours lourd, toujours sourd, toujours puissant et d’une poésie barbare.

Comment passer de l’état de viande à l’état de… rien du tout ? Sous Le Signe Du Néant est une autre réflexion sur l’insignifiance de l’homme. Le texte est construit comme une nouvelle qui nous mène jusqu’à une chute impitoyable, jusqu’à l’intervention abrupte d’un fonctionnaire aigrelet (je parierais sur un Vogon échappé de la fameuse trilogie en quatre volumes de Douglas ADAMS). Ce titre est un joyau doom, étincelant d’obscurité.

Pourtant, lorsque je crois avoir pénétré l’insondable fond du néant, BARABBAS trouve le moyen de m’aspirer plus bas encore. Mon Crâne Est Une Crypte (Et J’y Suis Enfermé) y contribue lourdement, mais c’est La Valse Funèbre qui parachève l’impitoyable dessein avec un exceptionnel panache. Quel magnifique morceau ! Encore une fois éminemment heavy, il renoue cependant de manière sournoise avec la chanson française - sans doute est-ce en raison de ce rythme de valse lancinant et de la profondeur du texte qui ne sont pas sans rappeler des Brel, Piaf ou Barbara métamorphosés en créatures de l’Enfer.

Paré d’une production taillée dans le rock, de compositions aux riffs ravageurs et aux rythmiques d’une implacable force, de mélodies rampantes et tenaces, et de textes d’une qualité hors du commun, cet album m’a totalement conquis et devrait être à même d’élargir considérablement l’assemblée des adeptes du Saint Riff Rédempteur.


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BARABBAS est la communion sacrée de :
- Saint Rodolphe, grand prédicateur de la strophe ;
- Saint Stéphane, dont les six cordes font vibrer l’âme ;
- Saint Alexandre, dont la bara-basse nous réduit en cendres ;
- Saint Jean-Christophe, dont les toms sonnent la Catastrophe ;
- et... Saint Thomas riffe en enfer, c'est son karma.


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Extrait de La Mort Appelle Tous Les Vivants :
- La Valse Funèbre : Cliquez ici !
- Le Saint Riff Rédempteur : Cliquez ici !
Pumpkin-T
Date de publication : samedi 10 décembre 2022