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18/05/2023
It came from the stars
CRIMSON DAWN
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En 2020, Inferno, le troisième album du combo italien CRIMSON DAWN, m’avait amplement convaincu, avec son alliage totalement maîtrisé de Doom Metal épique et de Heavy Metal classique (cliquez ici). Sans attendre un hypothétique envoi promotionnel, j’ai fait l’acquisition – via le Bandcamp du groupe - de son successeur, I Came From The Stars, qui s’avère être à nouveau une parfaite réussite. Et pourtant, le sextette milanais entame de facto avec ce quatrième album studio une nouvelle étape dans sa progression ; en effet, le chanteur originel, Antonio PECERE, se trouve remplacé depuis 2021 par Claudio CESARI (également membre d’un autre groupe lombard, CRAWLER).
Or, on sait l’enjeu que représente un remplacement à un poste aussi majeur : quantité de groupes ont vu leur élan brisé, soit que l’impétrant n’était pas à la hauteur, soit que le public n’acceptait pas le nouvel arrivant ! Dans le cas présent, il m’est permis d’affirmer que CRIMSON DAWN possédait en son sein un excellent chanteur et que c’est toujours le cas aujourd’hui. Le résultat qualitatif est au rendez-vous, quand bien même on ne peut que constater que le nouvel arrivé évolue dans un registre sensiblement différent que celui de son prédécesseur. En effet, son chant clair, tour à tour ample et nerveux, évoque une conjonction des qualités propres à des vocalistes affirmés, comme Bruce DICKINSON (le mimétisme est parfois saisissant !) et Robert LOWE (ex-SOLITUDE AETURNUS, ex-CANDLEMASS, ex-TYRANT, ex-CONCEPT OF GOD, ex-LAST CHAPTER) : excusez du peu ! Inévitablement, ces références renforcent immanquablement le pendant Heavy Metal de CRIMSON DAWN, en même temps que cela dynamise des lignes de chant hautement expressives, parfois acrobatiques (quoique sans excès). Recrutement gagnant donc… Notation complémentaire : sur le titre Hunter’s Dream, on ne peut qu’apprécier la prestation habitée et parfaitement complémentaire de la chanteuse Melissa PINION, dépositaire émérite du micro au sein de la formation américaine STYGIAN CROWN (cliquez ici). Quand le talent attire le talent… Du point de vue instrumental, le style développé par CRIMSON DAWN demeure encore et toujours ancré dans le Doom Metal à la CANDLEMASS, SOLITUDE AETURNUS, MEMENTO MORI ou MEMORY GARDEN. Avec toutefois une approche qui ne mise pas tout sur la lenteur extrême, pas plus que sur une épaisseur maximale des rythmiques et des riffs. En la matière, il faut saluer l’extrême pertinence du tandem rythmique – Alessandro REGGIANNI ROMAGNOLI (basse et guitare acoustique) et Luca LUCCHINI (batterie) – qui parvient à combiner lourdeur puissante et approche systématiquement dynamique. Très majoritairement concises (entre quatre et cinq minutes) et fort efficacement (voire classiquement) agencées, les compositions de cet album conservent prioritairement une grande lisibilité, avec constamment un équilibre parfaitement dosé entre lourdeur et lenteur, âpreté des riffs et lisibilité mélodique. Insistons sur les composantes mélodiques. Outre le chant déjà évoqués, il faut saluer les magnifiques solos de guitare, à la fois virtuoses, émotionnellement chargés ; généralement concis, ces solos donnent parfois lieu à des duels intenses entre les deux guitaristes, Marco RUSCONI et le bien nommé Dario BERETTA, dans la plus pure tradition des couples de solistes Heavy Metal : Dave MURRAY-Adrian SMITH (IRON MAIDEN), Glenn TIPTON-KK DOWNING (JUDAS PRIEST), Jim MATHEOS-Frank ARESTI ou Victor ARDUINI (FATES WARNING première période), Hank SHERMANN-Michael DENNER (MERCYFUL FATE), Michael DENNER et Andy La ROCQUE (KING DIAMOND des débuts), Gene ALLEN et ses comparses successifs aux débuts de LIZZY BORDEN. En somme, au rayon six cordes en solo, ça crépite, ça étincèle, ça incise, ça brille, offrant un parfait contraste avec ces mêmes guitares en mode riffs austères. Impossible d’omettre dans la chronique de cet album le travail notable, voire essentiel, du claviériste Emanuele LAGHI, qui se fait fort de larder chaque composition d’arrangements, mélodiquement accrocheurs, tout autant que contributeurs à des ambiances épiques. Ostensiblement ancrés dans les référentiels sonores des années 80 et 90, ces arrangements de claviers n’en constituent pas moins une dimension spécifique et pertinente, à la fois porteuse de mélodies incisives et d’arrangements apaisants ou épiques. A telle enseigne qu’ils caractérisent une propension à se risquer dans un registre Heavy mélodique carré et ultra-efficace, élégant et percutant, parfaitement illustré par le très efficace et accrocheur morceau Fade Away. A l’inverse, sur l’ultime piste – The Colour Out Of Space - de la version simple (lire plus bas concernant la version augmentée), CRIMSON DAWN dépasse passablement les dimensions raisonnables en culminant à 7’33, avec à la clé une recette dont IRON MAIDEN use et abuse sans imagination depuis la fin du siècle dernier : introduction instrumentale lente et ambiante, développements instrumentaux progressifs mesurés, soutenant un chant dramatique, refrain ample et assuré ; bref, l’ensemble du dispositif du Fear Of The Dark de qui vous savez se trouve fort pertinemment mis en œuvre, avec une ampleur dramatique absolument ravageuse. Quand l’élève dépasse le maître (oui, j’assume)… Cela vous semblera peut-être anecdotique, mais l’un des attraits – certes accessoire, néanmoins fort notable – à mon sens – de cet album réside dans le chant en italien sur l’excellent morceau Nera Sinfonia (symphonie noire), excellent concentré de Doom léger et de Heavy Metal mid-tempo. A titre tout à fait personnel, j’ai adoré le Hard et le Heavy chanté en français ou en espagnol dans les années 80 ; j’avoue m’être toujours demandé in petto pourquoi la scène italienne, active et proliférante depuis les années 80, n’avait quasiment jamais assumé une expression dans sa langue natale. Sans prétendre aucunement tranché la question, force est de reconnaître que le chant en italien sur le morceau Nera Sinfonia (la symphonie noire) s’avère à la fois pertinent, efficace et porteur d’un rythme et d’une musicalité positivement alternatives. Je ne saurais trop inciter le groupe à approfondir cette option, quitte à approfondir son tropisme culturel et différenciel… Outre la réussite attachante de ce nouvel album, je ne peux m’empêcher de signaler qu’il existe une version augmentée (celle que j’ai acheté) qui comporte en guise de second CD le EP The Open Coffin (2022), d’une durée d’une demi-heure, avec pas moins de six pistes en supplément. Lesquelles se décomposent ainsi : - un nouveau titre éponyme d’excellente facture, dans une lignée ALICE COOPER des débuts - avec le concours étincelant du chanteur John GOLDFINCH (WITCHFIELD, HUMANASH, L’IMPERO DELLE OMBRE) ; - une splendide version Doom du morceau Nowhere Man des BEATLES (issu de l’album Rubber Soul, 1965), à la fois plombée et délicatement en apesanteur, du grand art ! - une nouvelle version, avec le nouveau chanteur, du titre Thulsa Doom And The Cult Of The Snake (initialement sur l’album Inferno) - une nouvelle version de Dark Ride, composition figurant originellement sur le second album du groupe, Chronicles Of An Undead Hunter - deux versions démos des morceaux fondateurs Siege At The Golden Citadel (dont la première version studio officielle, de plus de sept minutes, paru sur le premier album In Strange Aeons… fin 2013) et Crimson Dawn (figurant sur la première démo trois titres de 2006, montrant un groupe déjà affirmé quant à son projet). Soit au total un nouvel album absolument convaincant, fort d’un vocaliste impérieux et ô combien expressif, gavé de compositions puissamment évocatrices. Le cas échéant (dans la version double CD) copieusement augmenté d’un regard rétrospectif salutaire… Merci pour le voyage !
Alain
Date de publication : jeudi 18 mai 2023 |