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03/09/2023
Aion
BEES MADE HONEY IN THE VEIN TREE
 
J’avoue sans honte avoir totalement loupé les débuts discographiques de ce quartette, originaire de Stuttgart. Ni les deux premiers albums studio – Medicine (2017) et GrandMother (2019) -, ni le live Harvestmen (2022) n’avaient pénétré mon écran radar. Session de rattrapage salutaire à l’occasion de la parution de ce troisième album, Aion. Autant prévenir les amateurs de formules simples er directes, il est encore temps de quitter cette chronique !
En effet, les quatre cavaliers de l’Apocalypse pratiquent une musique exigeante, adepte des formats longs (voire très longs, comme en témoignent les plus de 21 minutes de Grey Wels !) et de la confrontation d’influences très diverses. Autant dire que l’exercice de définition s’avère aussi ardu que l’écoute répétée de l’album s’avère addictive.

Si l’on prend en compte deux critères objectifs et essentiels dans le projet de BEES MADE HONEY IN THE VEIN TREE, à savoir la lourdeur et la lenteur, on se trouve fondé à convoquer l’appellation Doom Metal. Sans que l’on puisse aucunement affilier le groupe au Doom classique à la SAINT VITUS, pas plus qu’au Doom épique à la CANDLEMASS. L’aspect crasseux de certains riffs et le rendu boueux de certaines rythmiques convoquent inévitablement le Sludge le plus rampant et éminemment malsain.

Par ailleurs, les guitares se font plus souvent qu’à leur tour aussi acides que flottantes, pourvoyeuses d’orages tournoyants et de mélodies, tour à tour déchirées et limpides, voire apaisées. Dans un ordre d’idée analogue, les vocaux, délivrés dans un registre clair, sont mixés en retrait et semblent souvent flotter à l’arrière-plan, de manière fantomatique. Autant d’éléments qui incarnent une dimension psychédélique sombre. Laquelle a de facto peu à voir avec le Rock psychédélique de la seconde moitié des années 60 (avec ses prolongations dans la première partie des 70’s). Ici, le psychédélisme ne cherche aucunement à faire briller le soleil plus ardemment car vu à travers une goutte d’eau posée sur une fleur. Dans le cas présent, le psychédélisme traduit plutôt un sévère dérèglement des normes en vigueur, une dérive qui confine à la dislocation, en parfaite conformité avec ce que THE DOORS gravèrent pour l’éternité sur des pièces majeures comme The End ou The Celebration Of The Lizard (versions live). Plus étrangement, ce pendant psychédélique m’évoque les œuvres Post-Punk de la toute fin des années 70 et du tout début des années 80, administrées par quelques guitaristes comme Geordie (KILLING JOKE) et Will SERGEANT (ECHO AND THE BUNNYMEN). Pas de psychédélisme fantasmatique et pastoral donc, mais bien une exploration torturée des sombres passions humaines. L’instrumental paisible Consonance, un des rares morceaux brefs de cet album, instille même un trait d’union en direction de l’Americana.

Entre Doom, Sludge, Post Rock et Shoegaze, BEES MADE HONEY IN THE VEIN TREE trace vaillamment une piste exigeante, qui fait appel au goût de l’aventure et à la patience des auditeurs. Ainsi que l’annonce la pochette purement (photo)graphique, dénuée de toute mention typographique (nom de groupe ou d’album), cet opus nécessite de lâcher prise et de se laisser porter au fil de ce parcours monumental.

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Alain
Date de publication : dimanche 3 septembre 2023