18 / 20
16/12/2023
Procession
LEONOV
 
Après nous avoir envoûté avec Wake, son second album, sorti en 2018 (fort chaleureusement salué par nos soins, rappelons-le : cliquez ici), le quintette norvégien LEONOV revient nous hanter, en mode dame blanche. On retrouve avec un plaisir intense et sincère ce Doom atmosphérique, marqué par le Post Rock et le Shoegaze, à la fois lourd et atmosphérique, mélancolique et puissant. LEONOV assume certes des tournures typiques du Doom Metal, mais force est d’admettre que l’essence-même de ses compositions ne relève pas fondamentalement de ce sous-genre du Metal.

Enlevez les riffs granitiques et vous trouverez des ossatures de compositions, dont les tempos demeurent certes lents, dont les ambiances s’avèrent, au minimum, fantomatiques, au maximum envoûtantes. En somme, LEONOV concatène la verve impérieuse de SIOUXSIE AND THE BANSHEES, le versant vocal féminin délicat de COCTEAU TWINS, le goût pour les riffs rouillés et âpres à la KILLING JOKE et la lourdeur cotonneuse du meilleur du THE GATHERING (époque Anneke van GIERSBERGEN). Le propos de LEONOV ne consiste pas tant à instaurer des contrastes francs, qu’à associer pleinement des éléments lents, lourds, typés Doom, d’une part, une froideur éthérée, une torpeur morbide, d’autre part.

Cinq des sept compositions de ce second album affichent des durées raisonnables et adoptent peu ou prou des tournures classiques et efficaces, sans jamais oublier en route le développement d’ambiances rampantes. Certes, le groupe se fait ponctuellement franchement pesant et menaçant ; en témoignent l’introduction pachydermique de Sora ou les riffs de bison vers la fin du pourtant relativement accessible Oreza. Pour autant, les contrepoints mélodiques fourmillent, souvent délicats (l’introduction frissonnante de Son), parfois éthérés (la première partie de Mesos), visant à développer une dramaturgie palpable, quoique toujours subtile.

Hormis les 2’23 instrumentales dépouillées de l’introductif Rem, un morceau, Amer, domine cet album, non pas simplement par sa durée notablement dominante (plus de huit minutes), mais bien par sa capacité à développer de manière particulièrement subtile, progressive et maîtrisée, une menace, tour à tour latente, émergente et triomphante. Une composition programmatique !

Soulignons enfin la qualité de la prestation vocale de la chanteuse qui gère avec une aisance confondante toutes les nuances de son registre médium. Elle sait se faire intimiste et délicate, désincarnée et spectrale, puissante et impérieuse, le tout sans ruptures apparentes et sans posture lourdement démonstrative.

LEONOV ne prétend rien révolutionner, mais se fait un malin plaisir d’accaparer des influences nombreuses, diverses, quoique finalement complémentaires, voire convergentes, dans un contexte fusionnel parfaitement équilibré. Le fait est que Procession ne saurait se résumer à un énième album de Doom atmosphérique, mais à la continuation d’une tentative, ô combien méritoire et stimulante, d’une sublime récapitulation de tous les styles musicaux contemporains porteurs de mélancolie et des mille et un degrés de la morbidité. Un album dangereusement fascinant !

Vidéos de Mesos cliquez ici et Procession cliquez ici
Alain
Date de publication : samedi 16 décembre 2023