Metal 80's de bonne facture, saboté par une pochette... comment dire ?
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Après un premier EP prometteur (cliquez ici) et un premier album confirmant les promesses d’un Heavy Metal classique (cliquez ici), les Belges d’OSTROGOTH se doivent de confirmer et ne se posent guère de questions au moment d’enregistrer leur second album en 1985. Particularité des sessions d’enregistrement, la présence d’un producteur allemand, Alexander GIETZ (UNDERDOG, MAD AXEMAN, BAGHDAD). Combinée à une pochette racoleuse en diable – nous y reviendrons ! -, cela laisse à penser que le groupe cherche à polir tant sa musique que son image.
L’avantage d’une réédition consiste à pouvoir prendre du recul et à objectiver un avis sur un album et à la replacer correctement dans la discographie d’un groupe, ainsi que, plus généralement, dans le contexte de l’époque. Certes, les fans de l’époque, ainsi que les nouveaux convertis au Heavy Metal des années 80, continueront à plébisciter l’album inaugural Ecstasy And Danger, renvoyant trop facilement Too Hot à une tentative ouvertement commerciale. Or, objectivement, Too Hot demeure, trente-huit ans plus tard, un authentique album de Heavy Metal européen, basé sur les préceptes de JUDAS PRIEST, revitalisé par l’approche ô combien nerveuse, incisive d’ACCEPT. L’album semble-t-il de prime abord moins rugueux ? Certes, et je serais tenté d’affirmer que c’est heureux ! Sous prétexte d’avoir initialement été convaincu par un album, certes imparfait, mais fougueux, ne doit pas renvoyer le fan à condamner un groupe en question à réitérer ad nauseam une même formule initiale. Quitte à sortir l’artillerie lourde, on peut certes admettre que les premiers albums respectifs d’IRON MAIDEN et de METALLICA demeurent essentiels. Mais, très honnêtement, ces deux groupes mythiques auraient-ils connu leur prospérité actuelle s’ils avaient reproduit encore et encore le son, certes vivifiant et roboratif de Iron Maiden (1980) et Kill ‘em All (1983) ? Objectivement, non.
Alors, indéniablement, Too Hot sonne de manière moins brute que son prédécesseur, mais il ne constitue en aucune manière un quelconque reniement, tout au plus un affinage dans la plus pure lignée du Heavy Metal européen, carré et tranchant, initié par JUDAS PRIEST à la fin des années 70, brillamment radicalisé par ACCEPT dans la première partie des années 80. Tempos enlevés, rythmiques nerveuses, riffs acérés, chant médium modulé, chœurs massifs : l’ensemble du dispositif purement Metal se déploie pleinement, avec une maîtrise accrue, tant instrumentale que vocale. Du point de vue des mélodies, il s’avère évident qu’OSTROGOTH parvient à imposer des figures plus marquantes que par le passé, notamment sur le plan vocal, ainsi qu’en témoignent Love In The Streets, Night Women (Don’t Like Me), l’énergisant Endless Winterdays, ainsi que la ballade Heavy Catch The Sound of Peace. Cela dit, même dans ces parages partiellement plus soignés, OSTROGOTH conserve des riffs mordants et n’opère aucunement une reconversion ouvertement commerciale (contrairement à d’autres formations européennes comme TNT ou TOUCH).
Outre un art de la composition Metal plus efficace que la moyenne de l’époque, OSTROGOTH sait surprendre. Même si la totalité des durées des titres de Too Hot se situe dans un étiage resserré (entre plus de trois et moins de cinq minutes), le groupe parvient à varier les rythmes et les tempos, instaurant une dynamique permanente. Saluons tout particulièrement The Gardens Of Marrakesh, composition introduite par des mélodies de cordes et de percussions orientales, avant de muter dans une explosion de guitares jumelles acérées, propulsées sur un tempo rapide, soutenu par une basse agressive et agile, avec une guitare solo assassine ; ce bref morceau, bien que dépassant de peu les trois minutes, multiplie les changements de tempos, de rythmes et d’ambiances, entre pesanteur majestueuse, vitesse épique. Particularité ultime : le versant vocal n’est représenté que par des chœurs ponctuels, particulièrement marquants, dont on regrette qu’ils n’aient pas été davantage exploités sur la longueur.
En somme, Too Hot s’avère un excellent album de Heavy Metal européen des années 80, développement logique et respectueux des débuts plus abrupts d’OSTROGOTH. La postérité toute relative de ce disque peut être imputée aux relatives ouvertures mélodiques du groupe mais, à ce stade, on doit surtout pointer du doigt une pochette invraisemblable. Certes, de longue date, le Hard et le Heavy pratiquaient à l’envie le culte du cliché masculiniste et sexiste, au point qu’un groupe comme WHITESNAKE établit une partie de sa réputation initiale sur la base de ce potentiel (nom du groupe, paroles et visuels à l’appui !). Quelle pertinence y-a-t-il à représenter un taxi new-yorkais (les emblématiques yellow cabs), les hanches et les jambes d’une femme que l’on devine sexy en diable, enfin, une sorte de varan cornu, lové aux chevilles de celle-ci, dardant une langue suggestive. Outre le rendu ultra-clinquant et typiquement 80’s, cette pochette ne risquait pas, à l’époque, de fédérer les authentiques adeptes de Heavy Metal. Qu’on me permette d’estimer, hier comme aujourd’hui, que ce visuel est un naufrage et un sabotage, qui dessert largement le répertoire ici exposé. La présente réédition permet de réévaluer positivement cet album : autant en profiter…
Vidéo de Too Hot : cliquez ici
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