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Second volet, plus aqueux, un brin moins marquant, néanmoins fascinant
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Pour connaître l’essentiel sur ce projet norvégien de pur Prog, merci de vous référer à la chronique du premier volet (cliquez ici). Là où quantité de groupes de Prog cèdent à la facilité d’une ouverture d’album tonitruante, les braves compagnons du père Robin choisissent avec Over Westwinds, au contraire, d’opter pour une délicate et troublante pièce de Folk Rock pastoral, dominé par la guitare acoustique et le chant masculin, tout en émotion retenue, de subtiles touches de sophistication s’immisçant via des chœurs angéliques et des arrangements de claviers vintage. La grâce, d’entrée de jeu…
Composition la plus longue de ce second volume (plus de 8’30), Orias & The Underwater City s’ouvre sur des sonorités de claviers vintage qui tentent de rendre des ambiances aquatiques. Un chant mi-solennel, ni flottant ne tarde pas. Pendant trois minutes, l’auditeur baigne dans ce ballet voix (chant solo et harmonies-claviers, avant que quelques ponctuations de basse et de guitare ne s’installent discrètement. A l’approche de la cinquième minute, des percussions mécaniques se conjuguent avec des claviers, certes toujours aussi psychédéliques, mais plus intenses, que ce soit en mode lignes mélodiques hypnotiques ou bruitages à la limite du Space Rock (si ce n’est que l’histoire se déroule sous la mer !). On attend bien entendu l’explosion rythmique qui doit forcément intervenir… En vain, le collectif se paie le luxe d’aller au bout de l’ambiance qu’il voulait développer. D’un strict point de vue de composition, celle-ci ne peut pas être la plus mémorable de l’album, mais respectons cette volonté farouche de porter une atmosphère à son terme et sur la durée.
En parfait contraste, le mid-tempo Ocean Traveller s’avère beaucoup plus abordable, avec un fort héritage de la Pop psychédélique (THE KINKS post 1967, avec une touche plus complexe, presque jazzy, à la CARAVAN). Agréable. Retour à une formule Folk Prog avec le concis Lady Of Waves, ponctué de vagues instrumentales plus intenses. Posées sur une section rythmique particulièrement adaptative, les guitares alternent l’acoustique en mode acoustique un brin psychédélique, le riff nerveux et le solo parcimonieux. On sent la mer s’agiter quelque peu, sans que l’on rencontre un gros grain.
Suite de la pérégrination nautique avec Green Refreshments, qui alterne plages de mélancolie paisible et explosions rythmiques terriblement tendues et froides (typiques du KING CRIMSON le plus sombre et agressif). Certes, une flûte traversière apporte ponctuellement une touche Prog Folk à la JETHRO TULL, mais la tonalité d’ensemble de ce titre demeure tendue, presqu’agressive. A telle enseigne que même le chant masculin clair se fait par moments nettement plus tendus, comme sous influence d’un Peter HAMMILL (VAN DER GRAAF GENERATOR et carrière solo). Loin d’amoindrir la tension, les quelques mélodies orientalisantes se trouvent accaparées et restituées avec une puissance palpable.
En clôture d’album, The Grand Reef s’ouvre sur une tonalité aussi dynamique, mais plus entraînante, flûte traversière et influence JETHRO TULL obligent. Les breaks et les contrastes nombreux n’ôtent en rien cette sensation de dynamisme positif et porteur, à un salutaire souffle épique : il faut bien qu’un troisième acte soit permis, au sortir de cet acte qui, narrativement, se trouve marqué par le monde aquatique, qu’il faut savoir traverser, en surface et même par en-dessous. Voilà notre père Robin dûment propulsé vers son troisième et conclusif acte…
Entre les frissons délicats de Over Westwinds et les galopades échevelées de The Grand Reef, ce second volume des chroniques du père Robin s’inscrit un cran en dessous de son foisonnant et vibrionnant prédécesseur. Peut-être quelque peu prisonnier de la séquence narrative maritime, le collectif a multiplié les formats plus brefs, sensiblement moins aventureux que sur l’opus précédent. D’où une impression d’ensemble moins… impressionnante. Quoique livrant un volume un brin moins passionnant, les compositeurs et les interprètes conservent parfaitement intactes leurs qualités intrinsèques et demeurent très largement au rendez-vous de quantité de formules Prog des années 70, voire du début des années 80.
Qui plus est, en 1972 et 1973, qu’aurait conseillé Ian ANDERSON (concepteur, auteur, compositeur, chanteur et flûtiste) à des fans de JETHRO TULL un brin perdus au milieu d’œuvres techniquement scindées en deux parties (division due au format vinyle), mais chacune étant de facto conçue comme une seule et unique pièce ? Je me réfère évidemment à deux albums de JETHRO TULL, particulièrement ardus, quoique populaires, devenus des classiques pour les fans de Prog, à savoir Thick As a Brick (1972) et A Passion Play (1973). Il aurait intimé à ses fans de se laisser guider au bout du périple pour en pressentir le sens profond (conceptuel et musical). Puis, il aurait incité son adepte à réitérer son écoute, encore et encore, jusqu’à la compréhension du projet initial. Peut-être son quasi-homonyme Jon ANDERSON, chanteur de YES aurait-il fait de même à propos des albums les plus formellement ambitieux de son groupe au cours des années 70 : Close To The Edge (1972), Tales From Topographic Oceans (1973) et Relayer (1974). Sans nul doute, Une objurgation à ouvrir son esprit, à accueillir la diversité, à se laisser surprendre, voire accepter de se laisser décontenancer.
Pourquoi ce détour par les Grands Anciens – toujours impressionnants, souvent écrasants ? Tout simplement pour rappeler que, dans le cas des CHRONICLES OF FATHER ROBIN, il faut juger définitivement la qualité artistique du projet, non pas sur la foi d’un album copieux, mais bien sur la base de trois albums gémellaires. Même si on peut objectivement situer ce second livre un cran en dessous de la flamboyance et de la diversité du premier acte, attendons de découvrir le troisième opus pour pouvoir compter les bouses à la fin de la foire. La suite des aventures de père Robin, uniquement si vous êtes sages…
Vidéo de The Grand Reef cliquez ici
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