ERIC WAGNER - In the lonely light of mourning
Style : Dark / Gothic / Doom / Stoner
Support :
MP3
- Année : 2022
Provenance du disque : Reçu du label
8titre(s) - 37minute(s)
Site(s) Internet :
Eric WAGNER BANDCAMP
Label(s) :
Cruz Del Sur
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(17/20)
Date de publication : 20/03/2022
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L'adieu aux larmes
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Pour celles et ceux qui l’ignoreraient, Eric WAGNER fut le chanteur emblématique du groupe TROUBLE. Fondé à Chicago en 1979, ce quintette reprit à son compte l’héritage du Heavy Metal primordial de BLACK SABBATH pour en proposer une version très personnelle. Jeune fan de Hard et de Metal, ayant tardivement (âge oblige !) BLACK SABBATH périodes OSBOURNE et DIO, j’étais à la recherche de groupes reproduisant des vibrations lourdes et épiques. Une chronique (dans Enfer magazine, je pense, à moins qu’il ne s’agisse de Metal Attack) me conduisit en 1984 à la Fnac Montparnasse pour acquérir le premier album sans titre de TROUBLE. Même si je dois rétrospectivement confessé avoir eu quelque difficulté à dompter le son très rêche et sec, je fus conquis par la combinaison inédite de la pesanteur et de l’aridité, le tout avec des textes d’inspiration chrétienne. Outre les compositions et le son d’ensemble, deux pôles d’intérêt principaux caractérisaient TROUBLE : les riffs et les solos complémentaires de la paire de guitaristes Rick WARTELL et Bruce FRANKLIN d’une part, le chant nasillard et chevrotant d’Eric WAGNER. Dans les années suivantes, quoiqu’avec quelque difficulté, je parvins à acquérir les albums suivants : The Skull (1985) et Run To The Light (1987). Les ingrédients demeuraient identiques, à la fois traditionalistes et fortement singuliers ; le succès demeurait limité, voire carrément confidentiel en France.
A partir du second album sans titre paru en 1990 sur le label Def Jam (SLAYER, FOUR HORSEMEN, RAGING SLAB, BEASTY BOYS…), le groupe plongea assez logiquement son Doom Metal traditionnaliste (comprendre : conforme aux Evangiles du Heavy Metal des 70’s) dans un grand bain de Heavy Rock psychédélique (trademark 65-75). Avec des fortunes hélas toujours circonscrites aux amateurs éclairés, se succédèrent les magnifiques albums Manic Frustration (1992) et Plastic Green Head (1995).
L’insuccès chronique entraîna un effacement de TROUBLE, avec le départ d’Eric WAGNER, lequel enregistra en 1997 un fort goûteux album de Stoner Doom psychédélique, In The Mushroom, sous le nom de LID (en compagnie de Danny CAVANAGH, guitariste et chanteur d’ANATHEMA). La suite pour TROUBLE ? Kyle THOMAS (EXHORDER, ex-ALABAMA THUNDER PUSSY, ex-FLOODGATE) prend la relève, avant qu’Eric WAGNER ne reprenne sa place en 2007 pour l’album Simple Mind Condition. Vous connaissez le refrain ; succès critique et succès commercial d’estime. L’ex-WARRIOR SOUL Cory CLARKE prend la relève au micro, ne donnant naissance, fort heureusement, qu’à des captations scéniques, tant la formule ne fonctionne pas. En 2012, TROUBLE rappelle Kyle THOMAS et livre l’année suivante le solide The Distorsion Field.
Mais tout ceci ne nous dit pas ce qu’il advint d’Eric WAGNER. En 2012, il fonda avec un ex-bassiste de TROUBLE, Ron HOLZNER, une nouvelle formation baptisée THE SKULL. Mais aussi, la même année un autre groupe, BLACKFINGER. THE SKULL délivra deux albums excellents : For Those Which Are Asleep (2014) et The Endless Road Turns Dark (2018). Pour sa part, BLACKFINGER accoucha également de deux albums excellents : Blackfinger en 2014 et When Colors Fade Away (2017).
Bien qu’ayant marqué chacun de ces projets collectifs de sa voix unique, Eric WAGNER avait pour projet de livrer un album solo, dépendant intégralement de son inspiration, quoique de fidèles complices soient présents : le bassiste Ron HOLZNER, le batteur Dave SNYDER TROUBLE, DOFKA), le guitariste soliste Lothar KELLER (THE SKULL), Victor GRIFFIN (PLACE OF SKULLS, DEATH ROW, PENTAGRAM, CATHEDRAL, IN-GRAVED), Chuck ROBINSON (TROUBLE, BLACKFINGER, THE SKULL) et d’autres…
De fait, In The Lonely Light Of Mourning ne saurait être considéré comme un succédané de TROUBLE, LID, BLACKFINGER ou THE SKULL. Disons plutôt que les huit compositions convoquent tour à tour des caractéristiques propres aux groupes ayant ponctué la carrière du chanteur, sans jamais se figer sur l’un ou l’autre. Fidèle à sa démarche initiale, Eric WAGNER s’adonne ici à son péché mignon, à savoir un Doom Metal austère, caractérisé par des riffs granitiques, portés par une section rythmique impulsant des tempos lents, médiums, parfois plus enlevés. En matière tempo nerveux, relevons celui de Wish You Well qui, après une introduction lente et mélodique, verse dans la nervosité et dans la tension. Répondant ainsi à un schéma ultra-efficace développé par BLACK SABBATH (période Ronnie James DIO) en 1980 avec le titre percutant et épique Die Young. La part mélodique se trouve prise en charge par les guitares quand elles partent dans des solos lumineux. Sinon, le chant si particulier de WAGNER oscille entre un aspect nasal accrocheur, un registre plus medium et mélancolique, voire quelques prestations dépouillées et touchantes de par leur fragilité et par leur nudité.
Hormis le respect que l’on doit au défunt, le versant électrique de cet album solo demeure très balisé, quoiqu’éminemment maîtrisé dans l’écriture et vibrant dans l’interprétation ; on évolue alors dans des critères qualitatifs pour le moins solides. Cela dit, dans le cadre d’un album solo, on peut s’attendre à une prise de risque, ou tout du moins à une approche alternative par rapport à celle pratiquée au préalable dans la carrière du chanteur. Cela se produit à quelques reprises.
Tout d’abord avec If You Lost It All, morceau dépouillé, avec la voix revenue de tout de WAGNER, des violoncelles et une batterie laconique. Les intentions sont pertinentes – du Doom sans électricité – mais le tout rate quelque peu sa cible, en dépit d’un chant fragile et émotionnellement chargé. Pour ma part, j’estime que le maintien de la batterie, en mode plus ou moins binaire, ne colle pas avec les parties de violoncelle, tandis que le chant semble tracer sa voie sensible indépendamment du tout. Je pense qu’il aurait fallu écrire les arrangements de cordes strictement en rapport avec le chant, pour plus de cohérence. Quant à Rest In Place, l’introduction sobre et précautionneuse cède le pas à un titre lent et rampant. Sur le titre éponyme, l’intensification électrique se produit en alternance avec un climat nettement plus délicat et personnel.
In The Lonely Light Of Mourning constitue un testament solide et vibrant à la carrière et à la vie d’Eric WAGNER, emporté par le covid 19.
Vidéos de In The Lonely Light Of Mourning (le morceau) cliquez ici et de Maybe Tomorrow cliquez ici
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